FINANCEMENT
Le financement est un sujet qui mérite qu’on y regarde de plus près.
Audition
Impôts, taxes
- 31.08.2022: Le Conseil fédéral approuve la modernisation du système de perception de la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations
- Informations sur la Redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP)
- Calculateur RPLP de l’ASTAG
- Renouvellement de l’infrastructure technique de la redevance sur le trafic des poids lourds (RPLP) d’ici 2025
- Indice suisse des prix à la consommation
Aides financières
Satisfaction chez CFF, inquiétude chez CFF Cargo
Les CFF sont en parfaite santé. C’est ce que la société a communiqué le 11 mars 2024 en publiant son bilan 2023. Seule la filiale CFF Cargo continue à être source d’inquiétude et doit être soutenue financièrement. Notre avis, à la VAP: Cela ne doit pas revenir à subventionner sur le long terme le trafic par wagons complets isolés (TWCI). Et vu le bilan 2023, la proposition d’injecter 1,25 milliard de CHF est superflue.
Les enjeux:
- Résultats 2023: des bénéfices frisant les records
- La fragilité chronique de CFF Cargo se traduit à nouveau par un déficit
- Des résultats record et des milliards d’aide: où est la logique?
- Il faut instaurer une responsabilité entrepreneuriale
Résultats 2023: des bénéfices frisant les records
1,3 million de voyageurs, 269 millions de CHF de bénéfices, 9,9 % de recettes supplémentaires dans le transport de voyageurs, 92,5 % de trains ponctuels malgré 20 000 chantiers, un endettement tombé à 11,3 milliards de CHF, et financement de tous les investissements sur le flux de trésorerie: l’exercice 2023 des CFF regorge de bonnes nouvelles et de superlatifs. Pour la première fois depuis l’ère post-covid, les CFF sortent du rouge. Ce résultat réjouissant est principalement dû à un nombre record de voyageurs et aux bénéfices juteux générés par les objets immobiliers des CFF. Il n’est donc pas étonnant que les responsables se montrent confiants pour aborder l’avenir.
La fragilité chronique de CFF Cargo se traduit à nouveau par un déficit
Dans le secteur du fret de la société renationalisée CFF Cargo, la situation financière est nettement moins rose. Certes, le résultat 2023 de CFF Cargo Suisse s’est amélioré de 148 millions de CHF par rapport à celui de l’exercice précédent pour atteindre moins 40 millions de CF. Mais cela s’explique principalement par des corrections de valeur de 2022. Le volume de trafic a baissé de 7,5 % par rapport à l’exercice précédent. Selon les CFF, les principaux facteurs ont été la pression au niveau des prix, le déficit structurel du TWCI et le refroidissement de la conjoncture.
Reste à savoir comment chiffrer précisément ce déficit, qualifié de «structurel». Dans le débat politique, ces CFF parlent de 80 à 100 millions de CHF, tandis que le rapport de gestion 2023 fait état de 40 millions de CHF. CFF Cargo a‑t-il généré des bénéfices de 40 à 60 millions de CHF dans le trafic par trains complets?
Des résultats record et des milliards d’aide: où est la logique?
Peter Füglistaler, directeur de l’Office fédéral des transports (OFT), répond à cette question en donnant dans un commentaire sur LinkedIn une réponse plausible: «Je ne sais pas». Les CFF vont financièrement bien, et c’est effectivement tout à leur honneur. Car enfin, les chargeurs souhaitent avoir des partenaires forts dans le secteur des transports. À la VAP, nous restons fidèles à notre position: la situation financière critique de CFF Cargo ne doit pas être confondue avec la nécessité de moderniser et de réorganiser le TWCI. En janvier 2024, le Conseil fédéral a réclamé à raison dans son «Message relatif à la loi sur le transport de marchandises» des mesures de modernisation du TWCI sur l’ensemble du territoire (cf. article du blog «De bons jalons pour le fret ferroviaire intérieur»). Au lieu d’une enveloppe d’assainissement au TWCI, nous réclamons le versement d’un financement transitoire ciblé, dégressif et limité dans le temps, pour une transformation durable du TWCI sur le chemin de l’autonomie financière. Ce n’est qu’ainsi que le TWCI pourra se moderniser et croître.
Il faut instaurer une responsabilité entrepreneuriale
Le Parlement traite actuellement le «Message sur la modification de la loi sur les Chemins de fer fédéraux (Financement durable des CFF)». La Confédération doit prochainement prendre en charge les déficits des CFF résultant de la pandémie dans le domaine des grandes lignes. Cela fait dire Josef Dittli, président de la VAP et conseiller aux États: «Pourquoi la Confédération, qui vient d’annoncer des réductions budgétaires linéaires et des plans d’austérité, doit-elle soutenir avec l’argent des contribuables une entreprise étatique qui génère des résultats record? J’en appelle aujourd’hui avec insistance à la responsabilité entrepreneuriale des acteurs.»
De bons jalons pour le fret ferroviaire intérieur
En janvier, le Conseil fédéral a publié son message à l’attention du Parlement concernant la loi sur le transport de marchandises. Il vise à moderniser le trafic de wagons complets isolés (TWCI) sur l’ensemble du territoire et pose ainsi les bases de son autofinancement. En dépit de nombreuses réserves, il propose pour cela des aides à l’investissement et des indemnités d’exploitation temporaires ainsi que des incitations destinées aux chargeurs.
Les enjeux:
- Le Conseil fédéral vise l’autofinancement
- Réorganisation intégrale et modernisation du TWCI
- Encouragement limité dans le temps de l’exploitation du TWCI durant la phase de modernisation
- L’OFT critique les lignes directrices du secteur
- Aperçu du projet
- Et maintenant
Le Conseil fédéral vise l’autofinancement
Lors de sa séance du 10 janvier 2024, le Conseil fédéral a adopté le Message relatif à la loi sur le transport de marchandises à l’attention du Parlement. La VAP accueille avec satisfaction la poursuite de la variante1, qu’elle favorise. Par ce projet, le Conseil fédéral entend moderniser le fret ferroviaire sur les plans technique et organisationnel, renforcer les chaînes de transport multimodales et mieux intégrer la navigation. Les objectifs généraux consistent à renforcer la sécurité de l’approvisionnement dans tout le pays et à promouvoir la multimodalité, afin de contribuer aux objectifs environnementaux et énergétiques de la Confédération. Il s’agit ainsi de garantir la desserte actuelle des surfaces, d’augmenter la part du fret ferroviaire à moyen terme et de poser les bases d’un autofinancement.
Réorganisation intégrale et modernisation du TWCI
Cette réorganisation repose sur une transformation complète du TWCI, respectivement du trafic de réseau avec la modernisation technique correspondante (en particulier la numérisation) qui va de pair, l’intégration dans le système logistique suisse et l’instauration d’une concurrence intramodale non discriminatoire. Cette dernière doit permettre d’améliorer considérablement la qualité des prestations logistiques et leur efficacité et de faciliter les innovations futures. Le projet prévoit d’allouer des ressources d’investissement de 180 millions de francs au financement de l’introduction du couplage automatique digital (DAC). Des ressources d’investissement supplémentaires sont prévues pour financer des optimisations de processus numérisés et des plateformes d’échange de données et d’autres investissements comparables.
Encouragement limité dans le temps de l’exploitation du TWCI durant la phase de modernisation
Afin de préserver son niveau actuel d’exploitation dans tout le territoire, un soutien financier de son exploitation est prévu pour une durée de huit ans. Cette mesure est censée couvrir les coûts non couverts. Ces indemnités diminueront au fur et à mesure de l’avancement de la réorganisation et seront fixées dans des conventions de prestations pluriannuelles conclues avec toutes entreprises de fret ferroviaire impliquées dans le trafic de réseau.
L’OFT critique les lignes directrices du secteur
Pour que cette transformation réussisse et que le TWCI puisse être exploité de manière stable à son niveau actuel pendant la phase de transformation, le secteur a présenté des lignes directrices pour des mesures concrètes et des activités d’encouragement. L’OFT considère toutefois qu’elles sont insuffisantes et demande qu’elles soient retravaillées. Il déplore notamment l’absence de perspective d’une réorganisation globale visant à accroître l’efficience et les capacités. Il observe que la tendance est au maintien des structures et à la poursuite de la réduction de l’offre. Il considère qu’il n’est actuellement pas en mesure de conclure des accords de prestations sur cette base. La VAP comprend les réserves de l’OFT, puisque ces lignes directrices sont le fruit d’un compromis entre les chargeurs et les entreprises de fret ferroviaire, dans le cadre duquel la VAP avait fait de grandes concessions pour les besoins de la cause. Il est à présent nécessaire de retravailler en substance ces lignes directrices, notamment du point de vue des clients du transport de marchandises en tant qu’utilisateurs des services logistiques.
Nous sommes prêts à soutenir de manière significative l’avancement de ce dossier. Nous estimons qu’un pilotage opérationnel complet pour contrôler l’efficacité des mesures et des incitations et la mise en place d’une plateforme numérique constitue une condition essentielle à cette transformation. Cela permettrait de relier tous les acteurs de façon flexible et efficace dans la planification et le déroulement de leurs prestations. Cette transformation doit être mise en œuvre de manière structurée, méthodique et ciblée sous la forme d’un projet.
Aperçu du projet
- Les aides à l’investissement: Le Conseil fédéral met à disposition 180 millions de francs pour financer l’introduction du DAC. Cela couvre environ un tiers des coûts de transformation. Le rééquipement du matériel roulant doit être coordonné à l’échelle européenne et doit se réaliser d’ici 2033. On attend du DAC qu’il se traduise par une amélioration substantielle de la productivité et de la qualité du transport ferroviaire de marchandises.
Fiche d’information DAC (PDF, 971 kB)
- Indemnités d’exploitation: Afin de préserver le niveau actuel de couverture du territoire du TWCI pendant la phase de transformation, le Conseil fédéral prévoit de le soutenir financièrement pendant une durée limitée à huit ans et de manière dégressive. L’autonomie financière doit être atteinte à l’issue de cette période. Pour les quatre premières années, il demande 260 millions de francs.
Fiche d’information sur le transport de marchandises (PDF, 712 kB)
- Incitations pour les chargeurs: Des contributions au transbordement et au chargement ainsi qu’une indemnisation des coûts non couverts de l’offre commandée de transport ferroviaire de marchandises sont prévues pour une durée indéterminée à hauteur de 60 millions par an au total.
Message complet sur la loi sur le transport de marchandises.
Et maintenant
- Les points en suspens feront l’objet de discussions entre l’OFT et le secteur avant la fin du premier semestre 2024, et les lignes directrices seront complétées et précisées en conséquence.
- Dans ce contexte et après l’adoption de la loi révisée, un processus d’appel d’offres doit être lancé d’ici la fin de l’année 2024 pour les différents paquets de prestations au sein du trafic réseau.
- Les négociations d’éventuelles conventions de prestations sont prévues pour 2025, afin que les éventuelles mesures d’encouragement puissent prendre effet début 2026.
Pour de plus amples de détails, voir le présent communiqué de presse commun de la VAP, de la LITRA, de l’ASTAG, de la CI Trafic combiné et de l’UTP.
Prêts à passer au prochain niveau de digitalisation
Sans le couplage automatique digital (DAC), pas de digitalisation et sans digitalisation, pas de compétitivité. Voilà comment on pourrait décrire la modernisation du fret ferroviaire. Mais cela n’est pas aussi simple que cela. Voici une vue d’ensemble du statu quo et des étapes vers lesquelles nous sommes appelés à nous acheminer.
Les enjeux:
- Combiner hardware et software de manière ciblée
- L’impulsion initiale doit venir du financement
- «Management Deployment DAK-CH» coordonne la migration
- Phase d’essai: la Suisse est dans le peloton de tête
Combiner hardware et software de manière ciblée
Le DAC est sur le point de lancer une vaste digitalisation des chemins de fer. En effet, il offre plus que le couplage automatique ou des fonctions très diverses de traçage individuel des wagons. Il permet au fret ferroviaire suisse de franchir un niveau en approvisionnant en électricité et en données de l’intégralité du train. Mais ce n’est pas tout. Les modèles commerciaux inspirés par le numérique en matière de fret ferroviaire nécessitent en outre des écosystèmes de données. À cet égard, l’infrastructure publique de données sur la mobilité «MODI» donne le bon exemple (cf. article du blog «Écosystèmes de données: partager les données pour doubler leur plus-value»). Pour combiner hardware et software de manière à ce que le fret ferroviaire soit compétitif dans la logistique multimodale, il y a besoin de gros investissements de départ, que les entreprises de fret privées ne pourront assumer seules.
L’impulsion initiale doit venir du financement
En Suisse, le Conseil fédéral adoptera en janvier 2024 son message sur le transport de marchandises, puis le transmettra au Parlement. L’élément central de ce projet est constitué par les subventions allouées à la migration vers le DAC. Le Conseil fédéral prévoit une enveloppe de subventions de 180 millions de CHF. Le volume d’investissement calculé pour la migration sur tout le territoire suisse s’élève à 500 millions de CHF. Pour parvenir à boucler cette immense boucle, il faudra des investisseurs. Dans la planification des moyens financiers, nous, la VAP, assumons un rôle de leader. La Confédération envisage de financer l’écosystème de données MODI pendant les 10 premières années, puis elle percevra des frais d’utilisation. Dans l’Union européenne (UE) aussi, la question du financement de la migration vers le DAC n’est pas encore réglée. Pour les essais sur le terrain prévu à partir de 2026, la Commission européenne envisage de débloquer quelque 200 millions d’euros.
«Management Deployment DAK-CH» coordonne la migration
La coordination de la mise en œuvre de la migration doit en Suisse être assurée par l’organe interbranche «Management Deployment DAK-CH». Celui-ci est entre autres responsable des échanges actifs avec Europe’s Rail, de la planification des capacités des ateliers, de la planification du matériel et de la certification du matériel rééquipé. Il doit organiser le rééquipement des véhicules en amont avec les propriétaires, mais aussi avec les entreprises ferroviaires et les autres acteurs logistiques. Dans l’intervalle, les entreprises de fret ferroviaire devront déterminer leurs besoins en wagons rééquipés en fonction du volume de trafic.
Phase d’essai: la Suisse est dans le peloton de tête
Les fonctions et processus du DAC doivent être harmonisés à l’échelon européen. Une étape importante de ce processus sera la constitution du «Starter Package», qui fixera les fonctions avec lesquelles la migration vers le DAC débutera en Europe. La Suisse participe actuellement activement à des essais opérationnels de nouveaux systèmes et fournit des résultats déterminants aux groupes de travail européens. Voici une vue d’ensemble des essais et projets actuels auxquels la Suisse participe:
- L’UE est en train de faire élaborer les spécifications techniques ferroviaires pour la mise en œuvre du «Greening Freight Traffic Package» du European DAC Delivery Programme (EDDP). La Suisse est impliquée activement dans ce processus.
- Avec «Power-Line-Plus», les données sont envoyées par des lignes d’alimentation électrique. La Haute école de Lucerne et CFF Cargo mènent conjointement des essais opérationnels et fournissent des connaissances déterminantes sur la qualité de la transmission de données. Il est prévu d’attester à partir de 2024 l’opérabilité du «Starter Package» avec toutes ses fonctions et la transmission par la «Power-Line-Plus», ce qui devrait rendre possibles les transports commerciaux. L’OFT soutient financièrement ce développement.
- À partir de 2026, il est prévu de réaliser dans toute l’Europe avec quelques 100 trains de vastes essais sur le terrain sur l’opérabilité et la fiabilité du DAC. Ensuite, la migration vers le DAC se fera de manière efficace, y compris en Suisse.
- La MODI se compose de deux principaux éléments: l’infrastructure nationale de mise en réseau des données sur la mobilité (NADIM) permettra l’échange standardisé de données sur la mobilité. L’infrastructure nationale de géodonnées «Réseau des transports CH» peut garantir une représentation numérique uniforme de l’ensemble du système de transport de la Suisse. La MODI est actuellement prévue uniquement pour le transport de voyageurs. Mais le fret pourrait lui aussi en profiter, par exemple par une mise en réseau numérique des pouvoirs publics, des autorités de planification des transports et d’aménagement du territoire et de l’ensemble des acteurs impliqués. La VAP est donc en étroit contact avec les services responsables de l’administration fédérale, afin d’intégrer rapidement le fret dans le projet.
Révision partielle de la LCFF: la responsabilité et l’ouverture du marché encore repoussées
La Commission des transports et des télécommunications (CTT‑N) soutient à l’unanimité le projet de stabilisation des Chemins de fer fédéraux (LCFF). Contrairement au Conseil fédéral, elle est d’avis qu’en ce qui concerne la pratique consistant à accorder des crédits de trésorerie aux CFF, il n’est pas indiqué de changer de système. La CTT‑N néglige ainsi de prendre en compte l’ensemble des recommandations de la VAP.
Les enjeux:
- Une injection de 3 milliards pour les CFF
- La révision partielle de la LCFF a été transmise au Conseil national
- La voix du secteur reste toujours ignorée
- Toujours aucune ouverture de marché en vue
Une injection de 3 milliards pour les CFF
Dans son rapport du 16 décembre 2022 sur la motion 22.3008 «Soutenir l’exécution des investissements des CFF et une vision à long terme en période de Covid-19», la Confédération propose de prendre en charge les déficits des CFF dans le domaine des grandes lignes par le biais d’un apport unique de capital estimé à 1,25 milliard de francs suisses. Elle entend en outre alléger les redevances de sillons pour les grandes lignes de 1,7 milliard de francs suisses supplémentaires. Par ailleurs, elle suggère une correction des instruments de financement.
La révision partielle de la LCFF a été transmise au Conseil national
La CTT‑N a transmis à l’unanimité le projet de modification de la LCFF au Conseil national. De plus, la majorité de la commission refuse un changement de système en ce qui concerne les instruments de financement, car les crédits budgétaires, contrairement aux crédits de trésorerie, sont soumis au frein à l’endettement. Ainsi, la commission est d’avis que la situation de concurrence qui en résulte vis-à-vis d’autres dépenses fédérales n’est pas souhaitable, compte tenu de l’offre de transports publics. Le Conseil national statuera lors de la session d’hiver 2023 sur la proposition de la CTT‑N.
La voix du secteur reste toujours ignorée
Comme nous l’avions fait savoir dans notre communiqué de presse du 30 mars 2023, nous, à la VAP, refusons l’assainissement extraordinaire des grandes lignes présenté, qui prévoit quelque 3 milliards de francs et doit être financé par l’argent des contribuables. La VAP se félicite en revanche de la proposition de correction des instruments de financement, à savoir la renonciation à l’octroi de crédits de trésorerie aux CFF passant outre le frein à l’endettement de la Confédération. Dans les articles du blog intitulés «Plutôt que d’empocher une enveloppe budgétaire de 3 milliards, les CFF doivent assumer leurs responsabilités» et «Pas de stabilisation des CFF en dépit des 3 milliards de fonds fédéraux supplémentaires», nous résumons la position de notre secteur et nos arguments correspondants.
Toujours aucune ouverture de marché en vue
En adoptant le projet, le Conseil national renforcerait encore le monopole des CFF dans le trafic des grandes lignes. Du point de vue de la politique européenne, cela serait hautement problématique, car l’UE demande de la part de la Suisse une ouverture du marché des grandes lignes. Cette revendication, restée lettre morte, assombrit les négociations avec l’UE sur la prolongation de la coopération limitée dans le temps avec l’Agence ferroviaire européenne ERA pour l’instauration des homologations «One Stop Shop» et davantage d’interopérabilité entre la Suisse et l’UE. Par rapport aux membres de l’UE, la Suisse ne dispose actuellement encore d’aucun accès à part entière au marché; le réseau ferroviaire suisse ne fait actuellement pas partie intégrante du réseau européen interopérable. C’est pourquoi les associations proches du fret, à savoir l’Astag, CFS et nous, la VAP, demandons une stratégie nationale de migration sur l’ouverture du marché en harmonie avec l’UE. Si le Conseil national approuve la proposition de la CTT‑N, il repoussera encore plus cette revendication dans le temps.
Avenant 20.12.2023, actualisation de la session d’hiver:
Lors de la session d’hiver, le Conseil national a approuvé à la majorité l’octroi aux Chemins de fer fédéraux (CFF) d’une aide unique en capital de 1,15 milliard de francs pour réduire leur dette. Ce montant a en outre déjà été prévu dans le budget 2024. Le Conseil national a en revanche rejeté la proposition du Conseil fédéral de passer des crédits de trésorerie aux crédits budgétaires de la Confédération lorsque l’endettement atteint un certain niveau. L’argument avancé est qu’en cas d’application du frein à l’endettement, l’extension pourrait être retardée en cas de crédits budgétaires. En outre, la Chambre des cantons a décidé de fixer la réserve appropriée du Fonds d’infrastructure ferroviaire (FIF) à 300 millions de francs au minimum, les deux tiers au maximum du produit net de la redevance sur le trafic de poids lourds liée aux prestations (RPLP) devant être versés dans le fonds. Le Conseil national n’a ainsi pas tenu compte de toutes les recommandations de la VAP. Le projet passe maintenant au Conseil des Etats qui, espérons-le, interviendra pour corriger le tir.
Renforcer la concurrence équitable entre les entreprises fédérales et les entreprises privées
Le 15 septembre 2023, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) de présenter un complément aux principes de gouvernement d’entreprise d’ici le troisième trimestre 2024. Il entend ainsi renforcer la concurrence équitable entre les entreprises publiques et les entreprises privées.
Les enjeux:
- Stratégie de propriétaire et principes de gouvernement d’entreprise comme instrument de contrôle
- Une concurrence équitable demandée par le Parlement
- Une monopolisation préoccupante du fret de proximité
- De nouvelles tendances de financement croisé évidentes
- Un combat à armes inégales
Stratégie de propriétaire et principes de gouvernement d’entreprise comme instrument de contrôle
Les entreprises fédérales sont créées grâce à l’autonomisation d’unités administratives de la Confédération qui exercent des activités monopolisées conformément à la Constitution fédérale. Par exemple, la société par actions des Chemins de fer fédéraux (CFF), régie par une loi spé-ciale, a été créée dans le cadre de la réforme des chemins de fer de 1999. En tant que proprié-taire à 100 %, la Confédération dirige ses nombreuses entreprises fédérales en définissant et en mettant en œuvre une stratégie de propriétaire et des principes de gouvernement d’entreprise. Elle élit en outre les conseils d’administration. En plus de son rôle de propriétaire, la Confédéra-tion joue d’autres rôles: en tant que régulateur, elle co-réglemente les conditions du marché et commande parfois même des prestations de service public, par exemple dans le domaine du tra-fic régional des voyageurs. Il en résulte inévitablement certains conflits d’intérêts. Il serait tout à fait opportun de vérifier si cet enchevêtrement de fonctions est toujours d’actualité et adapté au trafic par wagons complets isolés et quel organe de contrôle en surveille l’utilisation.
Une concurrence équitable demandée par le Parlement
Les critiques croissantes du secteur privé à l’égard du comportement des entreprises fédérales qui, sur la base d’un mandat constitutionnel souvent très général, étendent toujours plus leur ac-tivité principale initiale et vont même jusqu’à racheter des entreprises privées, ont trouvé un écho au Parlement. Les Conseils ont ainsi adopté la motion 20.3531 «Pour une concurrence plus équi-table avec les entreprises publiques» du conseiller aux États PLR Andrea Caroni et la motion 20.3532 de la même teneur du conseiller aux États du Centre Beat Rieder. Avec le rapport du DEFR, le Conseil fédéral veut maintenant répondre à la demande de ces deux motions. Il attend des propositions sur la manière dont les départements peuvent organiser de manière plus sys-tématique et garantir de manière plus complète une concurrence équitable entre les entreprises fédérales et les entreprises privées dans le cadre de la gestion des entreprises fédérales.
Une monopolisation préoccupante du fret de proximité
Le rapport d’activité 2022 de la RailCom rend compte, entre autres, de l’enquête menée auprès des entreprises ferroviaires de fret sur les services de fret de proximité selon l’art. 6a de l’ordonnance sur le transport de marchandises (OTM). Il s’agit en l’occurrence de prestations de CFF Cargo, qui couvre le fret de proximité en Suisse de manière pratiquement monopolistique. Pour justifier le refus des services de fret de proximité, le rapport d’activité de la RailCom men-tionne le manque de ressources. Les personnes interrogées supposent toutefois qu’elles sont désavantagées en ce qui concerne les offres et que différents tarifs sont en circulation.
Les entreprises privées s’inquiètent tout autant de la monopolisation de l’offre de réseau de CFF Cargo dans la Consultation sur le projet de loi «Modernisation du transport suisse de marchan-dises» (cf. article de blog «Consultation «Fret ferroviaire sur tout le territoire»: deux variantes, beaucoup de points d’interrogation»). Elles demandent une délimitation stricte entre l’offre de ré-seau et l’offre de train complet en matière d’indemnisation et le maintien d’un accès non discrimina-toire aux services du fret de proximité (voir l’article du blog de la VAP «Externaliser le dernier kilo-mètre et l’organiser de manière non discriminatoire»). Il s’agit d’empêcher, à l’aide de mesures organisationnelles ou d’une séparation juridique, que certains services fournis par l’État fassent l’objet d’un financement croisé. C’est par exemple le cas aujourd’hui pour le refinancement de la caisse de pensions des CFF (CP CFF) par les bénéfices de CFF Immobilier.
De nouvelles tendances de financement croisé évidentes
Lors de l’audition sur la révision du prix du sillon 2025, les chemins de fer de marchandises de Suisse ont fait alliance et ont donné une réponse négative au Conseil fédéral le 29 août 2023 Prise de position sur la révision partielle de l’ordonnance de l’OFT sur l’accès au réseau ferroviaire OARF (cf. article du blog «Révision du prix du sillon 2025–2028: l’augmentation des prix n’est pas fon-dée»). Seul CFF Cargo, qui est entièrement intégré au groupe CFF et ne peut pas agir à sa guise, est resté à l’écart. Comme l’Office fédéral des transports se réfère entre autres à la baisse des recettes des sillons lors de la révision du prix du sillon, tout laisse penser qu’il s’agit d’un financement croisé caché des CFF, que CFF Cargo n’a évidemment pas le droit de criti-quer.
Le projet de loi élaboré par le Conseil fédéral «Modification de la loi sur les Chemins de fer fédé-raux (LCFF) – financement durable des CFF» du 15 septembre 2023 correspond également à une atteinte flagrante à la libre concurrence. Selon ce document, les CFF devraient bénéficier d’un apport de capitaux de 1,25 milliard de francs. L’utilisation exacte de ces fonds n’est toujours pas claire et les conditions qui pourraient changer cet état de fait à l’avenir font défaut. La filiale CFF Cargo, qui a par ailleurs bénéficié d’un soutien financier important suite à la pandémie de Covid, profite également de cet apport de capitaux. Elle est sur le point de conclure une conven-tion de prestations pour indemniser son trafic de réseau, qu’elle ne peut apparemment pas gérer de manière autonome. Les acteurs du secteur privé, en revanche, n’ont pas reçu de fonds Covid et ne disposent pas non plus de ressources et de participations importantes non nécessaires à l’exploitation, qu’ils pourraient mettre en vente pour renforcer leur capacité d’investissement.
Un combat à armes inégales
La complaisance du Conseil fédéral avec le traitement inégal des entreprises publiques et des entreprises privées saute aux yeux – et est regrettable. Malheureusement, cela n’engendre pas une saine concurrence dans le transport ferroviaire de marchandises, qui renforcerait sa force d’innovation et sa performance. Ces deux éléments sont indispensables pour que les acteurs du marché puissent conserver leurs clients actuels et en gagner de nouveaux. Ceci serait à son tour nécessaire pour parvenir à un transfert du trafic durable et pour intégrer à l’avenir le rail dans des chaînes d’approvisionnement multimodales. Et pour créer également de nouveaux em-plois orientés vers l’avenir.
Tunnel de base du Saint-Gothard (#6): l’OFT soutient le trafic marchandises de manière pragmatique
À la suite de l’accident du train de marchandises survenu dans le tunnel de base du Saint-Gothard, l’Office fédéral des transports (OFT) encourage le fret ferroviaire par des mesures efficaces: le tunnel ne peut être utilisé que par les trains de marchandises. Les indemnités par train circulant en trafic combiné non accompagné (TCNA) seront prochainement relevées jusqu’à 1100 CHF. Notre association des chargeurs l’en remercie vivement. À propos: nous parlons aussi au nom de chargeurs étrangers.
Les enjeux:
- Le tunnel de base du Saint-Gothard n’est ouvert qu’aux trains de marchandises
- Des indemnités plus élevées pour le TCNA transalpin
- La VAP dit merci
Le tunnel de base du Saint-Gothard n’est ouvert qu’aux trains de marchandises
Depuis la remise en service du tube est du tunnel de base du Saint-Gothard, celui-ci est exclusivement ouvert au trafic de trains de marchandises. Une bonne centaine de sillons par jour sont possibles. 30 trains supplémentaires circulent chaque jour par la ligne de faîte. Le fret ferroviaire transalpin dispose ainsi chaque jour de 130 sillons au total. À titre de comparaison: en moyenne, 120 trains traversaient le tunnel de base chaque jour en 2022.
Grâce à cette mesure, les trains de marchandises peuvent assurer le fret ferroviaire pratiquement sans restriction. Certes, la déviation par la ligne de faîte implique un surcroît considérable. Mais elle concerne essentiellement le trafic intérieur, qui n’est pas tributaire d’un corridor de 4 mètres
Des indemnités plus élevées pour le TCNA transalpin
L’OFT se mobilise en faveur du transport ferroviaire de marchandises à travers les Alpes et notamment en faveur du trafic de transit (cf. «L’OFT renforce le trafic ferroviaire de marchandises à travers les Alpes»). Dans les semaines à venir, les indemnités par train circulant en trafic combiné TCNA seront augmentées de 200 CHF, pour atteindre jusqu’à 1100 CHF. Pour 2024, l’OFT ne veut pas non plus réduire les indemnités par envoi, mais n’appliquer qu’une réduction symbolique de 1 CHF pour les porter à 57 CHF par envoi. L’OFT soutient ainsi le TCNA transalpin de manière très pragmatique. Compte tenu des conditions rendues difficiles par les chantiers sur les lignes d’accès et de la situation conjoncturelle tendue, l’OFT renonce à poursuivre la voie actuelle de réduction des indemnités du TCNA.
La VAP dit merci
L’OFT mérite de vifs remerciements pour ce soutien pragmatique. Il renforce ainsi les efforts de toute la branche pour rendre les restrictions de capacité aussi supportables que possible, de manière ciblée et en unissant les forces, tant sur l’axe du Saint-Gothard que sur celui du Lötschberg. Nous y voyons le signe d’une politique commune de transfert du trafic de transit.
Révision des prix des sillons 2025–2028: une hausse des prix n’est pas justifiée
Les enjeux:
- Les prix de sillons ne sont pas calculés de manière transparente
- Les pertes de transport interdisent les augmentations de prix
- Respecter le principe de la couverture des coûts et le principe de causalité
- Inversement de l’incitation à faire circuler des trains de marchandises à faible usure
- Mettre davantage les exploitants d’infrastructure à contribution
Les prix de sillons ne sont pas calculés de manière transparente
Le rapport explicatif de l’Office fédéral des transports (OFT) de juin 2023 n’est ni conçu de ma-nière transparente, ni ne repose sur des justifications compréhensibles. Ainsi, les raisons de la définition actuelle du prix des sillons sont totalement opaques. Sachant que l’OFT renvoie entre autres à une baisse des recettes des sillons, on a l’impression qu’il s’agit d’un financement trans-versal caché des CFF. Dans le contexte du projet de loi «Financement durable des CFF» et de la réduction prévue de la contribution de couverture qu’il prévoit dans le transport de voyageurs des CFF, cette justification n’est pas acceptable pour les représentants du transport de mar-chandises. Nous avons donc donné une réponse négative au projet de loi mentionné, comme on peut le lire dans notre réponse à l’audition du 7 mars 2023 et à l’article de notre blog intitulé «Plutôt que d’empocher une enveloppe budgétaire de 3 milliards, les CFF doivent assumer leurs responsabilités».
Les pertes de transport interdisent les augmentations de prix
Une augmentation de prix est inacceptable compte tenu des pertes de trafic dans les transports intérieur, d’importation, d’exportation et de transit et des prix de sillon nettement plus avantageux dans le contexte européen. Les chargeurs sont notamment exposés depuis des années à des hausses de prix dramatiques dans le trafic par wagons complets. Ces hausses sont justifiées par des facteurs exogènes tels que les prix des sillons.
Respecter le principe de la couverture des coûts et le principe de causalité
L’OFT justifie l’augmentation de prix par le principe de la couverture des coûts. Or celle-ci serait respectée même en cas de baisse des prix dans le transport de marchandises. Au contraire, une réduction des prix correspond au principe de causalité, car le transport de marchandises contribue à payer les coûts marginaux standards d’un réseau moyennement aménagé principa-lement orienté sur les besoins du transport des personnes. Or les chargeurs ne remarquent rien des efforts consentis par les exploitants d’infrastructure pour réaliser et maintenir l’infrastructure à des coûts plus avantageux.
Une inversion de l’incitation à l’utilisation de wagons à faible usure
Ce que l’on appelle le facteur d’usure doit servir d’incitation pour utiliser du matériel roulant à faible usure. Entre-temps, c’est le contraire qui est vrai: le Conseil fédéral oblige la branche non seulement à payer des prix de sillon toujours plus élevés, mais aussi à investir des moyens fi-nanciers supplémentaires dans du matériel roulant à faible usure.
Mettre davantage les exploitants d’infrastructure à contribution
La révision des prix des sillons présentée protège les exploitants d’infrastructure. En tant que re-présentants des exploitants de voies de raccordement et de terminaux directement concernés par les coûts de planification, de construction et de maintenance de CFF Infrastructure dans des voies de raccordement centralisées, nous observons des inefficiences considérables et une manière presque éhontée d’utiliser les moyens financiers. Ceci est très probablement également vrai pour le réseau public. La confédération doit donc aussi obliger les exploitants d’infrastructure à limiter les coûts.
Aides de l’UE: sur la corde raide, entre protection du climat et distorsion de la concurrence
Dans le trafic par wagons complets isolés (TWCI) à l’intérieur de l’Union européenne (UE), nous assistons à une évolution plus politique qu’axée sur le marché. L’UE soutient à grand renfort de publicité le transfert du transport de marchandises vers des modes de transport respectueux du climat comme le rail et la navigation au moyen de différents programmes et fonds et sur le principe, on ne peut que s’en féliciter.
Les entreprises publiques de fret, soutenues par les syndicats, qualifient le TWCI de «service public». Cependant, ce ne sont pas elles qui en supportent les conséquences, mais les États et les chargeurs. De fait, ces subventions redistribuées par l’UE aux frais des contribuables se traduisent par un fort subventionnement du TWCI sans incitation à l’augmentation de la productivité dans le sens d’un développement durable. Cela signifie que le TWCI cimente avec l’argent des contribuables, de la société et de l’économie, un monopole dénué de toute obligation de service public comme l’obligation de transporter ou l’obligation de publier les tarifs.
Ce manque d’orientation sur le marché et d’esprit d’entreprise de la part des chemins de fer publics et des syndicats ne permettra d’atteindre ni les objectifs de transfert du trafic, ni les objectifs climatiques. De plus, en tant que propriétaires des chemins de fer publics, les États prennent à long terme un risque impondérable tant en matière de finances que de politique des transports en ce qui concerne la sécurité de l’approvisionnement dans leur pays.
Pour les chargeurs, les conséquences ne sont pas moins graves. Pour réaliser des transports multimodaux, les chargeurs doivent investir dans le système ferroviaire, alors qu’ils sont dépendants d’une entreprise monopolistique elle-même en situation de dépendance financière et gérée par la mainmise politique. Ce n’est vraiment pas ce que l’on peut appeler une sécurité de l’approvisionnement et des investissements.
Les subventions doivent être utilisées de manière ciblée et limitée dans le temps afin de préserver les emplois sur le long terme et de mettre le TWCI sur la voie du succès.
Dans cet article du blog, nous examinons de près les subventions publiques en Allemagne, France, Autriche et Suisse sous l’angle de leur objectif et de leur ampleur et abordons la question des conflits d’intérêts et des nécessités qui en découlent.
Les enjeux:
- Les aides d’État visent à instaurer une mobilité durable et viable.
- Elles peuvent toutefois donner lieu à des distorsions de la concurrence et à une discrimination.
- Les aides financières de l’État doivent servir à assurer la transition jusqu’à l’autonomie financière.
- Les acteurs du marché ont précisément besoin d’une aide financière pour les innovations telles que le DAC.
- Les instances qui accordent les aides devraient vérifier l’efficacité de celles-ci et les violations des règles relatives aux subventions.
- Le cas échéant, il s’avèrera nécessaire de procéder à des modifications de la loi.
La Commission européenne accorde un soutien financier au transfert du fret de la route vers des modes de transport plus respectueux de l’environnement, comme la navigation intérieure et le rail. Elle met à disposition des aides financières conformes aux lignes directrices de l’UE en matière d’aides d’État. L’objectif de ces aides de l’UE est une mobilité durable et intelligente, elle-même censée permettre de réduire les émissions de CO2 et de désengorger les routes dans le cadre du pacte vert pour l’Europe. Comme c’est souvent le cas pour les aides publiques au financement, il faut aussi s’assurer dans le domaine du transport de marchandises que la concurrence dans le marché intérieur n’est pas faussée et que l’autofinancement et la transparence sont atteints.
Comparaison du financement des déficits dans le trafic par wagons complets isolés (TWCI)
Pays |
Programme de subventionnement et avantages |
Montant de la subvention |
Période |
Allemagne |
Subventionnement temporaire des frais d’exploitation non discriminatoire et orienté sur la croissance (BK-EWV) Cette subvention du ministère fédéral allemand du Numérique et des Transports se veut être une mesure transitoire destinée à augmenter la rentabilité du TWCI par le déploiement du couplage automatique digital (DAC). Le ministère vise ainsi à soutenir les entreprises ferroviaires appartenant ou non à la République fédérale dans les transports nationaux et transfrontaliers dans le cadre d’une description du système de TWCI devant être fournie. Des détails sur le programme BK-EWV sont attendus pour juillet. |
80 millions d’euros 100 millions d’euros 100 millions d’euros |
2023 2024 2025 |
France |
Soutien de l’offre de transport du TWCI Des subventions directes ont pour fonction d’indemniser les entreprises ferroviaires pour la différence de coût entre le transport routier et le transport ferroviaire. Les bénéficiaires en sont les entreprises ferroviaires actives dans le domaine du TWCI. |
450 millions d’euros soit 150 millions d’euros par an |
2023–2025 |
Autriche |
«SGV-Plus» (TFM Plus) Ce programme de subventionnement aide les entreprises de transport ferroviaire à réaliser par le rail des transports de marchandises qui sans ce soutien devraient en grande partie se faire par la route, par camions. SGV-Plus se compose d’un soutien des prestations de fret ferroviaire et d’une subvention pour la redevance d’utilisation de l’infrastructure. Subventionnement des raccordements et des terminaux L’État aide les entreprises à transporter leurs marchandises sur un mode durable par le rail à l’aide de mesures comme celles-ci:
|
Env. 90 millions d’euros
13 millions |
2023–2027
À partir de 2023 |
Suisse |
Perfectionnement des conditions-cadres du transport de marchandises en Suisse Le Conseil fédéral prévoit des programmes de subventionnement apportant les avantages suivants:
|
600 millions de CHF soit 150 millions de CHF par an |
2024–2027 |
Pertinence limitée de la comparaison
Les subventions mentionnées dans le tableau ci-dessus sont exprimées en chiffres absolus. Cela les rend difficiles à comparer, faute de montant de référence. Par exemple, la SNCF (France) réalise plusieurs fois le nombre de tonnes-kilomètres parcourus par les CFF, mais reçoit en comparaison considérablement moins d’argent. Contrairement aux pays de l’Union européenne, en Suisse, le montant total des subventions comprend aussi la migration vers le DAC. C’est précisément parce que la plupart des pays disposent parallèlement de nombreuses sources de financement qu’il est extrêmement difficile de comparer les aides de manière pertinente.
Conflit d’intérêts protection du climat vs concurrence
Les gouvernements utilisent principalement leurs subventions dans le but d’encourager le transfert du trafic vers des modes de transport durables. L’objectif ultime comporte le risque de fausser la compétitivité du fret ferroviaire. Pour que celui-ci reste viable d’un point de vue non seulement écologique, mais aussi économique, les responsables doivent viser un système de fret ferroviaire autonome et axé sur l’économie de marché qui intègre sans discrimination toutes les entreprises de fret ferroviaire sur la base d’une concurrence intramodale et soit un partenaire fiable aux côtés des chargeurs. La Suisse s’est fixé pour objectif l’autofinancement, et elle est sur la bonne voie pour l’atteindre.
Garantir la non-discrimination
Là où les acteurs publics et privés du marché se rencontrent, on voit vite surgir le reproche de la discrimination. Un exemple classique en est le subventionnement du dernier kilomètre. Celui-ci fait l’objet de débats enflammés tant sur le plan international qu’en Suisse (cf. RailBusiness no 6 et 7/2023). Dans l’article de notre blog intitulé «Externaliser le dernier kilomètre et l’organiser de manière non discriminatoire», nous esquissons la forme que pourrait prendre un dernier kilomètre non discriminatoire en Suisse. Nous y préconisons que la gestion du système ne soit plus confiée à un seul grand opérateur – comme c’est actuellement le cas avec CFF Cargo – et proposons qu’à la place, la desserte du premier et du dernier kilomètre soit assurée par un prestataire unique. Celui-ci sera dans l’idéal l’exploitant d’infrastructure, qui, ceci mis à part, ne fournit aucune prestation de transport. Dans l’article de notre blog intitulé «Subventionnement du trafic par wagon isolé: empêcher la distorsion de la concurrence et la discrimination», vous trouverez de plus amples explications sur les raisons pour lesquelles la non-discrimination est primordiale en matière d’aides d’État.
En Allemagne, le «Verband deutscher Verkehrsunternehmen» (Fédération des entreprises de transport allemandes VDV) et l’association «Die Güterbahnen» (Les chemins de fer de marchandises) réclament un subventionnement non discriminatoire des trajets de desserte entre le point de chargement chez le client et la dernière composition fonctionnelle d’un train. Des règlementations correspondantes garantiront que le subventionnement irriguera des régions particulièrement peu desservies et non rentables ainsi que les nouveaux trafics afin d’attirer aussi le transport ferroviaire dans ces endroits.
Renforcer financièrement la force d’innovation
À notre avis, les financements d’État doivent constituer une transition destinée à durer jusqu’à ce que les acteurs parviennent à s’autofinancer. Cette approche est tout particulièrement primordiale pour les innovations, par exemple pour la migration vers le DAC et pour la digitalisation du fret ferroviaire qui va de pair. Les détenteurs de wagons ne peuvent pas tirer parti du DAC directement, mais doivent consentir des investissements énormes dans le rééquipement du matériel roulant. Pour savoir pourquoi nous nous impliquons pour le financement de départ du DAC, qui ouvre la voie à une nouvelle ère du rail, plutôt qu’en faveur du subventionnement permanent d’un système obsolète, lisez l’article de notre blog intitulé «Innovation dans le fret ferroviaire: le DAC ouvre la voie».
Repenser le système ferroviaire
Pour que les avantages de la digitalisation se concrétisent dans le transport ferroviaire de marchandises, il faut plus que le DAC. Il faut une transformation et une optimisation fondamentales des processus intersystèmes. Ce n’est qu’ainsi que les acteurs du marché pourront augmenter leur productivité, réduire les coûts et adopter systématiquement une orientation client afin de rester compétitifs en utilisant le rail. Cela passe par une nouvelle conception holistique de l’ensemble du système ferroviaire. Celle-ci va largement au-delà du simple financement (de départ) du TWCI ou du DAC. Elle concerne l’ensemble des processus, instruments d’incitation, mécanismes de marché et interfaces de la logistique de fret multimodale en Suisse.
Créer de la transparence grâce au monitoring
Pour pouvoir utiliser les fonds publics de manière ciblée, il faut définir clairement les objectifs devant être atteints grâce à ce soutien. Il s’agit – comme cela est habituel dans les entreprises privées – d’opérer une vérification à l’aide de paramètres mesurables, par exemple «combien de DAC seront mis en œuvre d’ici 2025 pour quelle somme», «combien de voies ont été réalisées» ou encore «combien de chargements de camions ont été mis sur le rail». La mesurabilité d’un taux de réussite permet aux acteurs d’adapter leur stratégie en conséquence.
Empêcher les abus des lignes directrices de l’UE en matière d’aides d’État
En 2020, la Deutsche Bahn s’est vu reprocher une distorsion massive du marché, car elle devait recevoir de la part de l’État une augmentation de ses capitaux propres à hauteur de 5 milliards d’euros en raison de la crise du COVID-19. Au début de l’année 2023, la Commission européenne a lancé une enquête sur de possibles aides publiques illégales de l’ordre de dix à vingt milliards versées au secteur Fret de la société ferroviaire étatique SNCF. Ces exemples récents montrent que les aides publiques comportent toujours un risque d’abus. Il est d’autant plus important que les gouvernements créent les mêmes conditions de concurrence pour tous et au besoin affinent a posteriori le cadre juridique.[1]
Affiner a posteriori les lignes directrices
Les lignes directrices européennes concernant le secteur ferroviaire sont l’exemple d’une telle révision. La Commission européenne a proposé de les réviser afin de transférer le trafic sur des solutions plus durables et moins polluantes tout en conservant des conditions de concurrence équitables au sein de l’Union européenne. La consultation des États membres sur la promotion de programmes transparents et non discriminatoires, la limitation des aides individuelles à des cas exceptionnels et la modification du plafonnement des aides s’est achevée le 16 mars 2022. La majorité des répondant·e·s ont donné leur préférence à une promotion de programmes offrant des chances égales à toutes les entreprises et à ce que des aides individuelles ne soient accordées que dans des cas exceptionnels. La Commission européenne prévoit d’approuver la révision des lignes directrices relatives aux aides d’État applicables au secteur du transport ferroviaire au 4e trimestre 2023.
[1] Cf. Article paru dans la DVZ le 30.05.2023 (en allemand)
Décisions de politique des transports de la session d’été 2023
Lors de la session d’été, qui a eu lieu du 30 mai au 16 juin 2023, les consultations ont porté sur plusieurs points pertinents pour notre secteur. Les résultats concordent largement avec nos attentes. Nous déplorons toutefois qu’on ait laissé passer la chance de lier le programme en faveur du trafic d’agglomération à l’extension du réseau des routes nationales afin de développer les projets et les modes de transport en tant que système global.
Les enjeux:
- Davantage de moyens financiers pour la chaussée roulante (RoLa), nous demandons un contrôle de la qualité
- Oui à la simplification de l’homologation du matériel roulant pour le trafic ferroviaire international
- Oui à la modernisation et au développement du réseau des routes nationales
- Oui au programme en faveur du trafic d’agglomération – regrettablement sans lien avec l’extension du réseau des routes nationales
- Interpellation sur la renationalisation de CFF Cargo
Trafic combiné accompagné (chaussée roulante, Rola)
Le 1.6.2023, le Conseil national a traité le message du Conseil fédéral du 30 septembre 2022 sur la modification de la loi sur le transfert du transport de marchandises et sur un arrêté fédéral allouant un plafond de dépenses pour promouvoir le transport ferroviaire de marchandises accompagné à travers les Alpes (objet du Conseil fédéral 22.064). À l’instar du Conseil national, le Conseil national vient de décider de soutenir la «chaussée roulante» (Rola) jusqu’en 2028 et non jusqu’en 2026 seulement, comme le proposait le Conseil national. Entre 2024 et 2028, la Confédération pourra au total débloquer 106 millions de francs pour ce soutien.
Compte tenu du rapport 2023 sur le transfert du trafic, la VAP rappelle ses revendications non encore satisfaites:
- Subventionnement des trafics indépendamment de la technologie employée, notamment dans certaines régions possédant un potentiel de volume
- Contrôle de la qualité, y compris pour les trafics conventionnels
Nous considérons le caractère unilatéral du soutien et le fait que le contrôle de la qualité se limite au TCNA comme une chance perdue. Les potentiels du trafic conventionnel devraient eux aussi être exploités intégralement – et accompagnés des mesures de transfert du trafic adéquates, à savoir le soutien financier et le contrôle de la qualité.
Modifications de la loi sur les chemins de fer dans le cadre du 4e paquet ferroviaire.
Le 13.6.23, le Conseil des États a approuvé le projet 23.024, selon lequel l’Agence ferroviaire européenne (ERA) doit être compétente pour l’homologation de matériel roulant dans le trafic ferroviaire international. Pour l’introduction de nouveaux trains, les entreprises ferroviaires ne seront ainsi plus obligées de suivre des procédures d’homologation séparées. Le Conseil fédéral vise donc une reprise intégrale de cette solution de l’UE, ce qui passe par une modification de l’accord sur les transports terrestres conclu avec l’UE. L’objet va à présent être présenté au Conseil national. La VAP a soutenu ce projet de modification (cf. article du blog: La révision de la loi sur les chemins de fer garantit l’accès au réseau ferroviaire de l’UE), car il permet de continuer à avancer dans l’harmonisation des directives en matière d’exploitation ferroviaire et facilite la reprise de ce paquet dans l’accord sur les transports terrestres.
Cadre de paiement pour les routes nationales 2024–2027 et étape d’aménagement 2023:
Le Conseil fédéral prévoit une modernisation et un élargissement du réseau des routes nationales suisses pour un budget d’environ 12 milliards de francs. Quelque 8 milliards de francs sont prévus pour l’exploitation et la maintenance, tandis que 4 milliards de francs doivent être affectés à des projets de développement ciblés. À la VAP, nous soutenons ce projet et réaffirmons l’importance d’une infrastructure de transports durable pour la multimodalité et le transfert du trafic sur le rail. Le 30.5.2023, le Conseil national a même décidé de débloquer pour les projets d’aménagement 5,3 milliards de francs au lieu des 4,4 milliards demandés par le Conseil fédéral. En plus des cinq projets contenus dans l’arrêté fédéral, le Conseil national considère l’aménagement de la A1 près du lac de Genève comme tout aussi urgent. La prochaine étape sera le vote du Conseil des États sur le projet.
Crédits d’engagement pour le trafic d’agglomération à partir de 2024:
Le Conseil national a approuvé des contributions de plus de 1,6 milliard de francs pour les nouveaux programmes en faveur du trafic d’agglomération. Une légère augmentation a été effectuée pour le tunnel routier Moscia-Acapulco dans le Tessin. Nous soutenons cet arrêté fédéral qui permettra de soutenir des projets d’infrastructure de transport dans les agglomérations suisses afin de créer un système de transport plus efficient et plus durable.
Malheureusement, la proposition minoritaire du CN Wasserfallen a toutefois été rejetée. Celle-ci demandait de relier le programme en faveur du trafic d’agglomération à l’extension du réseau des routes nationales, afin de considérer les projets et les modes de transport comme un système global, et ainsi empêcher que les projets et modes de transport ne soient opposés les uns aux autres. Nous considérons ceci comme une chance manquée. En cas de référendum, nous nous inscrirons en faux contre ce projet, dans l’intérêt de la sécurité d’approvisionnement du pays.
Voir également notre commentaire sur LinkedIn: Milliarden für Agglomerationsverkehrsprogramme bewilligt: Nationalrat lässt Chance auf ganzheitliches Verkehrssystem verstreichen (Des milliards pour les programmes en faveur du trafic d’agglomération; le Conseil national laisser filer une chance d’instaurer un système de transport global)
CFF Cargo retourne dans le giron de l’État: à quoi cela rime-t-il?
Avec son interpellation «SBB Cargo zurück im Schoss des Staates. Was soll das?» (CFF Cargo retourne dans le giron de l’État: à quoi cela rime-t-il?), le CN Christian Wasserfallen PLR/BE demande au Conseil fédéral son avis sur l’arrêté du groupe CFF concernant le rachat de 100 % du capital-actions de CFF Cargo et la gestion directe de CFF Cargo par la direction du groupe. Ce changement unilatéral des structures du marché et des rapports de pouvoir compromet les prémices de la réforme attendue des conditions-cadres pour le transport suisse de marchandises. La VAP se félicite des questions posées au Conseil fédéral.