EXPLOITATION
Nous représentons les acteurs du fret et mettons l’accent dans ce chapitre sur l’utilisation de l’infrastructure, c’est-à-dire sur le transport. Nous nous engageons pour une exploitation libre sur le réseau et sur le premier/dernier kilomètre. Pour favoriser une concurrence loyale, nous voulons utiliser et combiner de manière optimale la force de tout moyen de transport. Car le trajet est ainsi plus court et plus économique pour chacun.
Acteurs dans le domaine de l’exploitation:
Entreprises de transport ferroviaire (EF)
Fabricants/détenteurs de matériel roulant (loueurs de wagons privés)
Opérateurs
Horaires (service d’attribution des sillons TVS)
Informatif
L’avenir du fret ferroviaire sur l’ensemble du territoire
- Blog «Repenser le fret ferroviaire sur l’ensemble du territoire»
- Positionspapier an die KVF‑N, 22.6.2022 (en allemand)
- Rapport du Conseil fédéral sur la future orientation du transport ferroviaire de marchandises sur l’ensemble du territoire, 31.3.2022
Valeurs limites d’émission pour le bruit
- Info OFEV
- 26.10.2023 : Article de blog sur la révision des valeurs limites d’exposition au bruit
Transport ferroviaire de marchandises
- Conception pour le fret ferroviaire
- Rapport complémentaire à la conception pour le fret ferroviaire
- Anhörung Cargo Forum Schweiz: Anhörung (en allemand)
Prescriptions de circulation des trains (PCT)
- Stellungnahme des VAP zu den Fahrdienstvorschriften im Änderungszyklus 2020 (en allemand)
- Prescriptions de circulation des trains (valables dès le 01.07.2020)
- Ausführungsbestimmungen zu den Fahrdienstvorschriften, Regelwerk der SBB (en allemand)
Prescriptions d’exploitation pour les voies de raccordement
La responsabilité de l’exploitation sûre incombe à l’entreprise responsable. Les prescriptions d’exploitation correspondantes doivent être établies par l’exploitant de la voie de raccordement.
La VAP met des outils à la disposition de ses membres. Nous apportons notre soutien dans les tâches juridiques et administratives. Prenez directement contact avec nous pour une clarification, un conseil ou un accompagnement d’audit.
En cas de dommage
Ne pas mettre inutilement en péril le système de fret ferroviaire
En août 2024, la Commission des transports et des télécommunications du Conseil national a déposé, par 13 voix contre 8 et 4 abstentions, la motion 24.3823 «Révision de la responsabilité en matière de risque des détenteurs de wagons». La motion veut introduire une responsabilité pour risque et une assurance obligatoire pour les détenteurs de wagons, y compris la fixation du montant de la couverture. Ceci au motif d’augmenter la sécurité du transport ferroviaire de marchandises. Le Conseil national débattra de la motion le mardi 10 décembre 2024.
Les enjeux:
- La motion est en contradiction avec le système
- La motion n’augmente pas la sécurité
- La motion torpille la politique de transfert de la Suisse
- La motion entraîne une inégalité de traitement
La motion est en contradiction avec le système
Dans le système actuel, les détenteurs de wagons sont responsables de l’immatriculation et de la maintenance de ces derniers. En cas de sinistre, en présence de défauts sur le wagon, ils sont présumés coupables et responsables du dommage s’ils ne peuvent pas prouver qu’ils ont pris toutes les mesures de sécurité nécessaires. Les entreprises de transport ferroviaire (ETF) sont responsables de l’exploitation et de la sécurité des trains/wagons, tandis que les détenteurs de wagons n’exercent aucune influence sur les contrôles de sécurité lors de l’utilisation opérationnelle de leurs wagons. Une extension de la responsabilité aux détenteurs de wagons nuirait fortement à l’efficacité et à la rentabilité du transport ferroviaire de marchandises et est donc en contradiction avec le système.
La motion n’augmente pas la sécurité
Une responsabilité plus stricte augmente le coût du transport de marchandises et le rend plus compliqué du fait que le transfert de wagons de marchandises entre différents domaines de responsabilité devient plus complexe et plus coûteux. De ce fait, la Suisse dispose d’un moins grand nombre de wagons, car la capacité des wagons en provenance de l’étranger ferait défaut. Cela diminue l’attrait du transport ferroviaire de marchandises et torpille la politique de transfert de la Suisse. En faisant cavalier seul, la Suisse sape le cadre réglementaire européen élaboré et équilibré au fil des décennies, et conduit à une solution isolée, propre à la Suisse. De plus, notre pays met ainsi en péril son rôle important dans le transport de marchandises européen, ce qui menace finalement la sécurité de l’approvisionnement.
La motion torpille la politique de transfert de la Suisse
une responsabilité plus stricte augmente le coût du transport de marchandises et le rend plus compliqué du fait que le transfert de wagons de marchandises entre différents domaines de responsabilité devient plus complexe et plus coûteux. De ce fait, la Suisse dispose d’un moins grand nombre de wagons, car la capacité des wagons en provenance de l’étranger ferait défaut. Cela diminue l’attrait du transport ferroviaire de marchandises et torpille la politique de transfert de la Suisse. En faisant cavalier seul, la Suisse sape le cadre réglementaire européen élaboré et équilibré au fil des décennies, et conduit à une solution isolée, propre à la Suisse. De plus, notre pays met ainsi en péril son rôle important dans le transport de marchandises européen, ce qui menace finalement la sécurité de l’approvisionnement.
La motion entraîne une inégalité de traitement
Des opérations identiques – tracter des véhicules par un véhicule de traction – ne sont pas traitées de la même manière si la motion est adoptée. Cela se produit dans la relation entre un tracteur routier et un train de marchandises, mais aussi dans la relation entre un train de voyageurs et un train de marchandises.
La motion 24.3823 «Révision de la responsabilité en matière de risque des détenteurs de wagons» manque donc sa véritable cible. Elle est onéreuse pour toutes les parties concernées et réduit la compétitivité du rail par rapport à la route. Le système actuel garantit déjà la sécurité du transport ferroviaire de marchandises et offre les conditions-cadres les plus efficaces pour la politique de transfert de la Suisse.
La CTT‑N renforce le fret ferroviaire grâce à une concurrence et une transparence accrues
Dans le cadre de l’objet 24.0017, la commission d’examen préalable du Conseil national (CTT‑N) demande à son conseil d’entrer en matière et d’approuver les crédits destinés au déploiement du couplage automatique digital (DAC) ainsi que l’indemnisation limitée dans le temps du transport par wagons complets isolés (TWCI) ainsi que la commande du transport de marchandises. Elle effectue également quelques précisions décisives dans le texte de loi: la concurrence doit être davantage encouragée et des financements croisés entre les prestations subventionnées et celles autofinancées doivent être empêchés en publiant des chiffres-clés et des flux financiers dans les rapports d’activité des entreprises de fret ferroviaire. Par ailleurs, la CTT‑N veut ancrer expressément la navigation intérieure dans le projet de loi afin de créer davantage de sécurité juridique.
En revanche, l’objectif complété dans la loi d’augmenter la part du fret ferroviaire est moins pertinent. Ce message devrait plutôt être adressé à la compagnie étatique CFF dominant le marché qui continue de chasser des transports du rail de par sa politique actuelle en matière d’offre et de prix. Cela enterre la dernière confiance des clients dans la compétitivité et la volonté des chemins de fer publics. En fait, les mesures prévues dans le projet de loi sont plus efficaces que des objectifs ambitieux: le fret ferroviaire peut gagner des parts de marché grâce à la digitalisation prévue et à la mutation d’un système du 19e siècle vers le 21e siècle. L’encouragement désormais encore renforcé de la concurrence entre les entreprises de fret ferroviaire, combiné à l’indemnisation limitée dans le temps du TWCI pourrait bientôt entraîner une offre élargie et des parts de marché croissantes pour le rail. Les propositions de la CTT‑N, qui apportent des précisions, devraient à cet égard être bien plus efficaces que des objectifs de transfert non contraignants, qui sont en outre contraires à la Constitution.
Malheureusement, les demandes pour plus de transparence et de concurrence lors de la construction et l’exploitation d’installations de transbordement n’ont pas trouvé de majorité.
«Le transfert du trafic passe par la détermination de l’équipe dirigeante au plus haut niveau.»
Le groupe Coop s’est engagé à réduire ses émissions de CO2. Un élément central de cette stratégie est le transfert du trafic sur le rail. Daniel Hintermann, chef de la Direction Logistique du groupe Coop, explique dans un entretien avec la VAP comment le groupe de commerce de détail et de gros parvient à réaliser cela et quels sont les défis à relever dans ce contexte.
VAP: Monsieur Hintermann, comment le groupe Coop est-il parvenu à transférer deux tiers de la part du transport entre les centrales de distribution sur le rail?
Daniel Hintermann: C’est un processus qui a duré plusieurs années et qui a été lancé en 2010 par la décision de racheter une entreprise de fret ferroviaire. Nous avons ainsi repris la société Railcare AG en tant que filiale à 100 %. Nous avons intégré la petite entreprise de transport ferroviaire dans l’univers logistique de Coop étape par étape. Aujourd’hui, Railcare fait partie intégrante de la chaîne de transport qui dessert l’ensemble de notre groupe. Elle nous permet de continuer à augmenter la part du transport ferroviaire.
Comment se fait-il que le groupe Coop devienne propriétaire de sa propre entreprise de transport ferroviaire?
En 2008, Coop a mis au point sa vision de la neutralité carbone et sa stratégie de centralisation de la logistique et de la production. Pour atteindre les objectifs fixés, nous avons cherché de nouvelles approches en matière de logistique de transport. Le concept sur lequel reposait Railcare à l’époque correspondait à ces approches.
Quelle part de transport ferroviaire vous proposez-vous d’atteindre?
Nous pouvons imaginer faire passer la part du rail dans le trafic de livraison suisse – c’est-à-dire les activités en aval – des 40 % actuels à 50 %. Pour le trafic en amont en provenance d’Europe et de Suisse, nous voyons un potentiel similaire. Pour atteindre ces objectifs, nous devons nous engager dans un processus de transfert exigeant qui durera plusieurs années.
Que conseillez-vous aux autres entreprises qui souhaitent transférer le transport de la route sur le rail?
À mon avis, il faut que l’équipe dirigeante au plus haut niveau soit déterminée à transférer activement le transport. Cela passe par un haut degré de standardisation de l’équipement ainsi que par une étroite interconnexion des processus entre le chargeur et l’entreprise ferroviaire.
Comment se présente la collaboration entre le groupe Coop et la VAP?
Cela fait de nombreuses années que Coop est membre de la VAP. Nous avons pu compter à plusieurs reprises sur le soutien professionnel de la VAP, notamment pour ce qui est des systèmes contractuels, des suivis de projet ou des recommandations techniques en matière de voies de raccordement.
Quels sont à vos yeux les points forts de la VAP?
Parmi les principaux atouts de la VAP, il y a ses connaissances sur la manière de concevoir des contrats judicieux et sur les règlements en vigueur. Nous apprécions le fait que les responsables soient joignables à tout moment et facilement, qu’ils aient une approche pragmatique et proposent des solutions pratiques et réalisables.
Comment décririez-vous la VAP?
Pour le groupe Coop en tant que chargeur, la VAP est une plateforme de connaissances cruciale sur le transport ferroviaire de marchandises.
À qui conseilleriez-vous de collaborer avec la VAP?
À tous les chargeurs qui transportent ou souhaitent dans l’avenir transporter des marchandises par le train.
Où voyez-vous le besoin le plus urgent d’agir dans le transport ferroviaire de marchandises?
Dans la digitalisation de l’ensemble de la chaîne de transport. Il est urgent d’automatiser le dernier kilomètre et le trafic de manœuvre.
Que souhaitez-vous pour l’avenir du fret ferroviaire suisse?
Je souhaite que le fret ferroviaire devienne durablement compétitif. Pour ce faire, il doit mettre suffisamment de sillons à la disposition des entreprises de transport ferroviaire de marchandises. Enfin, j’aimerais voir davantage d’énergie dans les changements de processus, par exemple quand il s’agit de modifier les flux de trafic.
Qu’est-ce qui n’a pas encore été dit?
Nous constatons une tendance à la surrèglementation et à la technocratie dans le fret ferroviaire. Cela ne rend les entreprises de fret ferroviaire ni plus sûres, ni plus compétitives. Les acteurs concernés devraient unir leurs forces pour lutter contre cette évolution.
Merci, Monsieur Hintermann, pour cet entretien intéressant.
Daniel Hintermann est depuis 2017 chef de la Direction Logistique et membre de la direction du groupe Coop. Sa longue carrière chez Coop a commencé en 2001 chez Interdiscount, où il est devenu en 2010 chef de la région logistique Suisse du Nord-Ouest. Licencié en gestion d’entreprise, il a fait ses premières expériences dans le domaine du conseil en entreprise.
Le groupe Coop est la plus grande entreprise de commerce de détail et de gros de Suisse. Il emploie 94 790 salarié·e·s – dont 3417 apprenti·e·s – et possède 2633 points de vente ou magasins en Suisse et en Europe. Son premier pilier est le commerce de détail avec les supermarchés Coop et de nombreux formats spécialisés en Suisse, le second étant le commerce international de gros et la production.
Tunnel de base du Saint-Gothard (#10): l’Europe présente le rapport final
Le Joint Network Secretariat (JNS) de l’European Union Agency for Railways (ERA) a publié à la mi-juillet 2024 son rapport final sur l’accident survenu dans le tunnel de base du Saint-Gothard le 10 août 2023. Celui-ci contient un élargissement du champ d’application, une augmentation de la limite d’utilisation opérationnelle, un durcissement des directives applicables aux mesures de contrôle des risques ainsi que la recommandation d’un contrôle acoustique à visée préventive.
Les enjeux:
- La task force JNS publie son rapport final et son évaluation des conséquences
- 4 points clés pour tous les acteurs impliqués: élargissement du champ d’application, augmentation de la limite d’utilisation, mise en œuvre de l’intégralité des mesures de contrôle des risques, contrôle acoustique à visée préventive
- Adapter les annexes 9 et 10 du Contrat uniforme d’utilisation des wagons
- Éviter les malentendus dans l’interprétation des textes de loi
- Le travail d’analyse des accidents à l’échelon international fonctionne bien
Le travail du JNS vise à harmoniser à l’échelle de l’UE toutes les mesures à prendre à la suite d’un accident ou d’une perturbation du trafic ferroviaire de l’UE (cf. article du blog «Tunnel de base du Saint-Gothard (#7): le rapport du SESE apporte des éclaircissements»). Cet organe se compose de représentants de l’ERA, des autorités nationales de surveillance (ANS) et du Group of Representative Bodies (GRB), qui représente les associations internationales de professionnels du rail. L’ERA a en outre publié l’analyse succincte «Light Impact Assessment», qui évalue les conséquences de l’accident survenu dans le tunnel de base du Saint-Gothard en mettant l’accent sur la question des «roues brisées».
Le rapport final du JNS contient des mesures existantes et des mesures nouvelles
Les entretiens entre le JNS et le secteur se sont déroulés dans un esprit de coopération. Ils ont débouché sur plusieurs compromis destinés à éviter les mesures nationales séparées annoncées par plusieurs ANS. En effet, les dispositions nationales spéciales remettent en cause l’interopérabilité ainsi que le transfert modal auquel aspirent l’UE et la Suisse.
Les résultats du rapport final s’appuient sur les recommandations de la procédure JNS «broken wheels» (roues brisées) (2017–2019) et son rapport final de 2019. Les modifications par rapport au rapport de l’époque sont surlignées en jaune. Ces mesures de contrôle des risques complétées et améliorées viennent remplacer l’intégralité de celles de la procédure JNS pour les types de roues BA 004 («crack in the rim» (fissure dans le boudin), 2017–2019). Les mesures applicables en cas de «crack in the web» (fissure dans le disque de roue) (antérieurement types de roue BA 314 / ZDB29) restent valables.
4 points clés pour tous les acteurs impliqués
Les aspects particulièrement pertinents pour les détenteurs de wagons de marchandises et les entités en charge de la maintenance («Entity in Charge of Maintenance», ECM en abrégé) sont les suivants:
- Extension du champ d’application: le champ d’application des mesures de contrôle des risques a été étendu. La liste des types de roues concernées comprend désormais également: BA 004 (également utilisée dans certaines versions du type d’essieux monté VRY), Db-004sa, BA 390, RI 025, R32, BA 304 et «d’autres types de roues comparables ne faisant pas partie de l’évaluation du JNS».
- Augmentation de la limite d’utilisation: la limite d’utilisation opérationnelle (voir encadré) applicable aux types de roues concernés est passée d’un diamètre de 860 mm à 864 mm.
- Mise en œuvre de l’intégralité des mesures de contrôle des risques: pour tous les types de roues désormais concernés, tous les acteurs impliqués doivent soit mettre en œuvre l’intégralité des mesures de contrôle des risques du JNS, soit prendre d’autres mesures garantissant au moins un niveau de sécurité équivalent et justifiées par une analyse des risques conformément à l’annexe 1 du règlement (UE) 402/2013 (MSC AR).
- Contrôle acoustique à visée préventive: le rapport final du JNS mentionne le contrôle acoustique comme une mesure préventive simple pour réduire les risques. Nous sommes d’avis que dans le cadre du contrôle des wagons réalisé avant le départ, les entreprises ferroviaires ne doivent pas renoncer au contrôle acoustique en cas de suspicion de surchauffe de l’essieu et/ou de formation de fissures sur la bande de roulement ou sur le boudin. Elles devraient les inclure dans le processus de contrôle qu’elles effectuent avant le départ, si ce n’est pas déjà le cas.
Limite d’utilisation opérationnelle Le diamètre des roues n’est pas mesuré avant le départ ni pendant la préparation du train. La limite d’utilisation opérationnelle est définie après la maintenance. En vertu du règlement ECM, les ECM doivent définir la limite de maintenance appropriée et sûre pour les roues afin d’éviter qu’une roue du type concerné soit utilisée en dessous de la limite opérationnelle de 864 mm pendant l’exploitation. Suite aux discussions au sein de la task force JNS, la limite générale de maintenance a été augmentée, passant de 876 mm à désormais 880 mm après profilage des essieux. Si une ECM décide d’autoriser l’utilisation d’une roue avec une limite de maintenance inférieure à 880 mm après profilage, elle est tenue de prouver que cette limite de maintenance inférieure (1) garantit au moins le même niveau de sécurité, (2) est justifiée par une analyse des risques conformément à l’annexe 1 du règlement (UE) 402/2013 (MSC AR) et (3) que l’analyse des risques a été vérifiée et approuvée par un organisme d’évaluation indépendant, car une limite de montage inférieure à 880 mm est considérée comme une «modification significative». |
Adapter les annexes 9 et 10 du Contrat uniforme d’utilisation des wagons
Le JNS a formulé une recommandation à l’intention de l’Union Internationale des Chemins de fer (UIC), de l’European Rail Freight Association (ERFA) et de l’International Union of Wagon Keepers (UIP), en leur qualité d’éditeurs responsables du Contrat uniforme d’utilisation des wagons (CUU): ces organes doivent vérifier l’opportunité de compléter les annexes 9 et 10 du CUU afin de règlementer à l’avenir la détection des roues en surchauffe thermique de manière encore plus systématique et uniforme.
Le débat qui a eu lieu au sein du JNS a montré que tant les autorités nationales de surveillance de certains États (membres de l’UE) que les entreprises de transport ferroviaire ont du mal à intégrer les ECM dans leur activité. Le JNS recommande donc aux organisations du secteur des entretiens de clarification entre les États membres et la Commission européenne, mais aussi la publication de lignes directrices pour les entreprises de transport ferroviaire.
Éviter les malentendus dans l’interprétation des textes de loi
À la VAP, nous allons avec l’UIP nous pencher à nouveau sur le rôle et les responsabilités des ECM dans le contexte du triangle de responsabilités «exploitant d’infrastructure / entreprise de transport ferroviaire / détenteur de wagons». Nous souhaitons ainsi éviter à l’avenir tout malentendu sur l’interprétation des textes de loi aux exploitants d’infrastructures et aux entreprises de transport ferroviaire, principaux acteurs selon la directive européenne sur la sécurité et donc aussi pour les ANS. Le débat en cours au sein du Parlement suisse sur les responsabilités dans le transport ferroviaire de marchandises met en évidence les différentes interprétations des règlementations du transport ferroviaire de marchandises harmonisées à l’échelon international par différentes autorités nationales, les instances européennes et certaines parties du secteur ferroviaire. Nous considérons donc que le fait que le JNS ait émis la recommandation évoquée plus haut à l’intention des organisations du secteur est une réussite pour le travail d’information que nous avons effectué à ce jour.
Le travail international d’analyse des accidents fonctionne bien
Le rapport final de la task force JNS démontre qu’en cas d’incidents et d’évènements dans le secteur ferroviaire, les procédures harmonisées fonctionnent parfaitement au niveau européen. Elles permettent d’une part de larges échanges d’expériences et d’autre part des mesures d’amélioration concrètes portées par l’ensemble du secteur et tous les États membres.
Nous vous informerons dès que le rapport final du Service suisse d’enquête de sécurité SESE sur l’évènement en question sera disponible.
Un ajustement «modéré» du prix du sillon: une charge fatale pour le transport ferroviaire de marchandises
L’Office fédéral des transports (OFT) a annoncé qu’il augmenterait le prix du sillon dans les transports ferroviaires de 2,1 % à partir de 2025. Si cette mesure vise à remplir l’exigence légale de couverture des coûts, elle fait toutefois courir le risque de faire peser un poids considérable sur le transport ferroviaire de marchandises et de mettre en danger le transfert du trafic sur le rail.
Les enjeux:
- L’augmentation du prix du sillon est inacceptable
- La crise économique, la hausse des prix de l’énergie, la récession mondiale augmentent le prix du fret ferroviaire
- Ce que nous pouvons faire pour le transfert du trafic sur le rail
Nous avons sur cette question un avis clair: nous refusons une augmentation du prix du sillon dans le transport de marchandises. Dans le cas d’une augmentation de 2,1 %, il est du reste extrêmement trompeur de qualifier l’ajustement de «modéré», car elle est susceptible de déboucher sur des conséquences fatales et irréversibles. Compte tenu des pertes de trafic dans les transports intérieur, d’importation, d’exportation et de transit et des prix de sillon nettement plus avantageux à l’échelon européen, une augmentation des prix est inacceptable.
Contexte économique et défis
L’économie européenne est actuellement en butte à une profonde crise qui se voit renforcée par la poursuite du conflit en Ukraine, la hausse des prix de l’énergie et la récession mondiale, notamment en Chine. Ces facteurs se traduisent par un recul des échanges de marchandises et pèsent considérablement sur le secteur des transports.
Depuis la mi-2022, nous assistons ici en Europe à un recul continu des volumes des transports dans le transport ferroviaire de marchandises. L’augmentation de 10 % en moyenne de la traction ferroviaire pousse de nombreuses entreprises à transférer une part de plus en plus importante de leurs marchandises sur la route. L’organisation faîtière des prestataires de trafic combiné UIRR enregistre pour 2023 une baisse d’env. 15 % du transport ferroviaire de marchandises, alors que le transport routier n’a reculé que très faiblement.
Les hausses de prix et leurs effets toxiques
Dans ce contexte difficile, les hausses de prix prévues pour l’énergie et le facteur d’usure pèsent de manière disproportionnée sur le secteur du transport de marchandises. Le facteur d’usure se voit augmenté de 9 % et porté de 0,33 à 0,36 CHF/t km brutes, et le montant de la hausse des prix de l’énergie sera fixé en juillet.
Les éléments avancés pour justifier l’augmentation du prix de base usure sont la hausse des coûts marginaux dépendant du poids, dont le calcul n’est toutefois pas transparent, et les normes d’aménagement de l’infrastructure pour le transport de voyageurs. Ces composantes des prix, conçues comme une incitation à l’acquisition de matériel roulant ménageant les voies, n’accélèrent pas le remplacement des wagons de chemin de fer, qui ont une longue durée de vie de 2 à 3 décennies. L’incitation est trop faible pour couvrir les coûts supplémentaires pour l’achat de matériel roulant à faible usure, ce qui augmente considérablement les coûts du transport ferroviaire de marchandises et en affaiblit la compétitivité.
Conclusion
Si l’augmentation de 2,1 % du prix du sillon est censée rendre compte des prescriptions légales en matière de couverture des coûts, elle va néanmoins conduire à une augmentation considérable des coûts pour le transport de marchandises. Cette mesure pourrait saper les efforts fournis pour transférer le trafic sur le rail et aggraver encore plus la charge économique dans un contexte déjà difficile. Il serait souhaitable que le transport ferroviaire de marchandises, qui souffre des normes d’aménagement élevées du transport de voyageurs régissant l’exploitation mixte du transport de personnes et de marchandises, soit fondamentalement déchargé. Ce n’est qu’ainsi que le transport de marchandises par rail deviendra compétitif et réussira à faire progresser la transition mobilitaire.
Le trafic par wagons complets peut devenir compétitif
Forum Fret Ferroviaire, 7 mai 2024. Le trafic par wagons complets sur l’ensemble du territoire détient une part de marché très élevée dans le trafic intérieur dans toute l’Europe. En revanche, il chute dans le tra-fic d’exportation et d’importation malgré les longues distances. Cela est dû au cloisonnement du marché et aux structures de production vieillissantes. La devise est la suivante: «Exclusivement les chemins de fer publics, exclusivement sur leur marché national». Le trafic par wagons complets est considéré comme un trafic conventionnel. Une collaboration en réseau, telle qu’elle est usuellement pratiquée avec succès sur la route, n’est pas envisagée sur le rail.
Une transformation du trafic par wagons complets dans un système ferroviaire automatisé, connecté numériquement et ouvert à l’international est toutefois possible. Les États offrent dans ce but un soutien politique et financier au secteur ferroviaire.
C’est de cela qu’il s’agit :
- Les leaders du secteur européen des transports et de la logistique à Zurich au Forum Fret Ferroviaire
- Matinée avec aperçu du cadre légal actuel
- Thème de l’après-midi : la transformation du transport ferroviaire de marchandises
- Focus sur aménagement d’un paysage du fret ferroviaire apte à affronter l’avenir
Le 7 mai 2024, des leaders du secteur européen des transports et de la logistique se sont réunis au Forum Fret Ferroviaire à Zurich afin de discuter de l’avenir du transport de marchandises par rail.
Dans son discours de bienvenue, Frank Furrer, secrétaire général de la VAP Association des chargeurs, est revenu sur les précédents Forums des années 2018 à 2024, au cours desquels une discussion continue a été menée sur le développement du transport de marchandises. Des thèmes tels que la multimodalité, la sécurité, l’innovation et la numérisation ont été au centre des débats. Il a particulièrement insisté sur le rôle de la politique des transports en tant que moteur du changement.
En 2024, l’accent sera mis sur de nouvelles conditions-cadres pour un transport de marchandises durable, en particulier sur la transformation du transport ferroviaire de marchandises. Frank Furrer a souligné l’importance de conditions cadres favorables à la concurrence pour permettre la multimodalité, l’innovation et la protection de l’environnement.
Le partenariat entre la politique et l’économie, la coopération entre les entreprises ferroviaires de fret, les prestataires logistiques et les chargeurs ainsi que le principe de subsidiarité sont des principes fondamentaux selon lui. Le projet de loi actuel sur la modernisation du transport ferroviaire de marchandises a été discuté au Parlement. La VAP soutient des mesures telles que l’introduction du couplage automatique digitale (DAC) et le financement transitoire pour le trafic par wagons complets sous certaines conditions.
Le Dr Peter Füglistaler, directeur de l’Office fédéral des transports (OFT), a donné un aperçu du cadre légal actuel et des défis auxquels est confronté le transport de marchandises en Suisse. Il est d’avis que «l’encouragement financier temporaire du trafic par wagons complets est une dernière tentative de sauver le transport intérieur de marchandises par rail». Le DAC est le moyen nécessaire pour y parvenir, et c’est une belle offre avec une subvention de 30 % aux propriétaires. Peter Westenberger, directeur de l’association «Die Güterbahnen» en Allemagne, a présenté le rail numérique et la charte VDV du point de vue allemand. Il a demandé un encouragement financier du trafic par wagons complets exclusivement par le biais des lignes de desserte, c’est-à-dire la réactivation ou l’augmentation du volume sur le plus grand nombre possible de points de desserte. Selon lui, la situation est très difficile pour les concurrents, car les données ne sont absolument pas transparentes. Mag. Claudia Nemeth, du Ministère fédéral du Climat, de l’Environnement, de l’Énergie, des Mobilités, de l’Innovation et de la Technologie (BMK) en Autriche, a expliqué les instruments et les stratégies de la politique des transports autrichienne en ce qui concerne le transport ferroviaire de marchandises et a comparé les investissements par habitant en Suisse, en Allemagne et en Autriche. L’Autriche mise sur un suivi actif des mesures du Masterplan Transport de marchandises 2030 et a récemment présenté le premier rapport de suivi à ce sujet. L’une de ces mesures est la mise en place, fin 2023, d’un coach en matière de transfert modal, qui conseille les entreprises ou les communes en matière de transfert vers le rail. Avec le ministre allemand des transports Wissmann et le conseiller fédéral Rösti, la ministre autrichienne Leonore Gewessler soutient l’introduction rapide du DAC. Ueli Maurer, Head of Intermodal Network dans la société Bertschi AG, a apporté un précieux feed-back du point de vue économique. Selon lui, il est impossible d’attendre le DAC au vu des progrès réalisés sur la route, il doit être mis en œuvre immédiatement. Les chantiers actuels, dont la coordination internationale est encore totalement insuffisante, ainsi que les prix de l’énergie et des sillons menacent fondamentalement pour l’heure la viabilité commerciale du transport ferroviaire de marchandises. Il a en outre demandé aux exploitants d’infrastructures de répercuter sur le fret ferroviaire les économies réalisées grâce à des fermetures complètes, en compensation de leurs coûts supplémentaires.
Lors de la discussion-débat qui a suivi, Westenberger a parlé de la situation chaotique actuelle des chantiers et des coûts supplémentaires qui en découlent, et a demandé une amélioration de la qualité du fret ferroviaire. Nemeth était d’accord, mais s’est montrée optimiste quant à l’avenir du fret ferroviaire : « es défis actuels sont comme un petit enfant qui apprend à marcher: il y a des revers, mais ça va de mieux en mieux.» Monsieur Füglistaler a souligné l’absence d’alternative à l’assainissement des corridors et a insisté sur la nécessité d’investir dans l’infrastructure. Le Dr Jens Engelmann, qui a animé la discussion-débat, a soulevé la question de l’efficacité des mesures d’encouragement et a discuté des différentes approches visant à soutenir le transport ferroviaire de marchandises. Monsieur Füglistaler et Madame Nemeth ont défendu le rôle des chemins de fer publics pour le trafic de wagons isolés. Conclusion de la discussion par Engelmann: le rail apporte une contribution importante au développement durable et doit continuer à être encouragé, mais il faut aussi relever des défis tels que le manque de capacités et les coûts des innovations technologiques.
Après une courte pause, la manifestation a abordé la transformation du transport ferroviaire de marchandises à l’avenir. Gilles Peterhans, secrétaire général de l’Union internationale des wagons privés (UIP), a mis en lumière l’état actuel de l’attelage automatique digital (DAC). Il a souligné la différence entre le rééquipement technique et la transformation afférente du fret ferroviaire archaïque. Celui-ci doit être sérieusement réorganisé pour être compétitif et transformé en un tout nouveau système ferroviaire. Gregor Ochsenbein, directeur adjoint du programme Données pour un système de mobilité efficace à l’OFT et Jürgen Maier-Gyomlay, responsable du GT Logistique / CI TWC à la VAP ont mis en évidence l’importance des écosystèmes de données pour une logistique efficace. Peter Sutterlüti, CEO de Cargo sous terrain SA, a présenté le concept de Cargo Sous Terrain (CST). Cette solution logistique, financée uniquement par des fonds privés, est disponible exclusivement pour les marchandises en vrac. L’interaction entre le parcours principal souterrain et la répartition fine en surface a le potentiel de devenir un complément déterminant du rail et de la route. Stefan Kirch, co-fondateur et membre de la direction de NEVOMO, a présenté les potentiels de la technologie du train magnétique pour une solution de trafic des marchandises plus efficace et de plus grande capacité. En particulier, la conduite autonome de wagons de marchandises sur des voies de raccordement sur tout le territoire avec une multitude de stations de chargement et de déchargement ainsi que des points de consolidation pour l’expédition et la réception offre des potentiels d’économie extraordinaires.
La manifestation a culminé avec une autre discussion-débat consacrée à l’avenir de la logistique en 2035. Outre le caractère volontaire de la remise des données, les défis de la transformation numérique, notamment en termes de coûts et de collaboration avec différentes parties prenantes, ont également été discutés. En conclusion, il a été souligné qu’il fallait être ouvert aux solutions innovantes et ne pas se laisser décourager par les problèmes. Frank Furrer a résumé la manifestation par une constatation aussi confiante que provocante: «Tout est possible, à condition que tous les acteurs du secteur unissent leurs forces et avancent en rangs serrés, de manière pragmatique et dans un esprit de compromis.»
Ce fut une journée riche en rencontres passionnantes, en présentations informatives, en discussions stimulantes, avec une focalisation claire sur l’aménagement d’un paysage du fret ferroviaire apte à affronter l’avenir. Les participants ont quitté la réunion avec de nouvelles connaissances et des impulsions pour le développement futur de la branche.
Nous attendons avec impatience le Forum Fret Ferroviaire 2025!
L’avenir appartient au trafic combiné
Quel est l’avenir des entreprises de fret ferroviaire en Suisse? C’est – entre autres – de cette question que s’entretiendra la VAP dans sa double interview avec Peter Knaus, directeur de la Bündner Güterbahn (Chemin de fer de fret des Grisons) appartenant aux Chemins de fer rhétiques (RhB) et Peter Luginbühl, directeur de l’exploitation du chemin de fer Matterhorn-Gotthard (MGBahn). Lors de leur débat, les experts parlent d’exploitation propre et d’externalisation, d’autofinancement, d’innovation, de concurrence et d’une flexibilisation du transport ferroviaire.
Monsieur Luginbühl, à la MGBahn, la logistique de fret ferroviaire est externalisée. Pourquoi?
Peter Luginbühl: Sachant que nos activités tournent essentiellement autour du tourisme, notre priorité est la mobilité des personnes. Le transport de marchandises représente environ 2 % du résultat d’exploitation global du domaine du service public. En 2011, nous avons décidé, pour le transport de marchandises, de nous concentrer sur le transport ferroviaire. Nous avons confié la responsabilité des interfaces en amont et en aval vis-à-vis du client à Alpin Cargo SA en tant que prestataire généraliste de services logistiques. Nous pouvons ainsi tous deux nous concentrer sur nos compétences clés: nous sommes responsables du transport par rail, Alpin Cargo de l’interface avec le client, ce qui englobe donc aussi le dernier kilomètre. À Zermatt, par exemple, la distribution fine est assurée par des véhicules électriques et des calèches.
Dans quelle mesure cette externalisation est-elle un atout?
Peter Luginbühl: Ce modèle d’exploitation a fait ses preuves dans notre situation de départ, avec une entreprise de taille limitée où la contribution du transport de marchandises au résultat global est assez modeste. Du point de vue des clients de fret, c’est également idéal.
Si c’était à refaire, opteriez-vous encore pour l’externalisation?
Peter Luginbühl: Oui. Notre modèle d’exploitation fonctionne très bien. Néanmoins, tous les cinq ans, nous le réétudions et faisons le point. Par la taille, nous ne représentons qu’environ un quart de la Bündner Güterbahn des RhB. Cela n’a donc aucun sens d’assurer nous-mêmes l’exploitation.
Monsieur Knaus, vous exploitez vous-même le secteur du fret ferroviaire. Comment se présente cette exploitation propre?
Peter Knaus: Nous avons reçu des mandats de la part du canton des Grisons, notamment celui d’offrir le service public. Auparavant, on forçait littéralement les entreprises de transport à utiliser le rail. Aujourd’hui, c’est différent. Nous transportons les marchandises par rail dans la mesure où cela est économiquement raisonnable. Pour nous et nos clients, cela débouche sur une situation gagnant-gagnant. Pour les courtes distances ou le dernier kilomètre, nous collaborons avec des entreprises de transport routier. Nous échangeons régulièrement avec ces partenaires commerciaux lors de notre plateforme de transport annuelle et par des contacts personnels.
À votre avis, quels sont les inconvénients de votre modèle?
Peter Knaus: Un investissement énorme en termes de temps, de moyens et d‘argent pour le matériel roulant de l’entreprise. Prenons un exemple: l’ensemble de notre parc de wagons, soit environ 320 wagons, est équipé de freins à vide. Or, pour des raisons stratégiques, les RhB ont décidé d’équiper tous les wagons de freins à air comprimé d’ici 2040. Conformément à notre stratégie 2023–2030, nous allons moderniser la moitié du parc et renouveler l’autre moitié, car c’est l’option la plus économique.
Selon quels critères clés le mode de transport est-il choisi chez vous?
Peter Luginbühl: Nous sommes convaincus que bien que le rail soit optimal pour toutes les marchandises, il ne l’est pas autant pour toutes. Nous transportons actuellement entre Viège et Zermatt environ 40 à 50 % des marchandises par rail. Les atouts de celui-ci par rapport à la route sont ses grandes capacités et sa grande disponibilité et fiabilité. Nous pouvons garantir l’heure exacte d’arrivée à Zermatt à 99 %. Pour chaque mode de transport, il faut évaluer quel est le meilleur split modal économiquement et écologiquement parlant.
Peter Knaus: Les camions sont eux aussi de plus en plus écologiques. Cela signifie par conséquent que les routes continuent d’être bien fréquentées. Le canton se réjouit de la suppression de chaque camion sur la route, ce qui contribue à réduire les embouteillages du trafic individuel.
Quels sont les produits les plus adaptés au rail, pour lesquels y a‑t-il encore un potentiel de croissance?
Peter Knaus: Les marchandises pour les longues distances tributaires de la ponctualité et de la fiabilité, par exemple les denrées alimentaires. Il en va de même pour le courrier, les colis et les marchandises en vrac, qui doivent être livrés dans les délais. Les expéditions à dates fixes, que nous transportons à partir de 4 heures du matin. Les ordures et les matériaux recyclés doivent être enlevés dans les 24 heures. Les matériaux de construction comme le ciment ou le sel conviennent également très bien au transport ferroviaire de marchandises. De plus, nous acheminons une quantité extrêmement importante de grumes, environ 95 %, vers Tirano. Nous sommes prédestinés à cela, car les droits de douane aussi sont plus économiques qu’avec un camion. Nous transportons la plupart des marchandises en transport combiné, sauf les grumes et les marchandises en vrac. Le transport combiné recèle un grand potentiel pour l’avenir. Dans notre domaine, je vois un potentiel dans le transport des pellets.
Peter Luginbühl: Nous avons des priorités de produits très similaires à celles des RhB. Il n’y a que le bois que nous ne transportons pas. À cela vient s’ajouter chez nous du mazout en grandes quantités. Par ailleurs, nous transportons beaucoup de bagages pour la destination touristique de Zermatt. Au cours des dernières décennies, les expéditions sont devenues plus petites, notamment en raison de la vente par correspondance.
Si je vous dis fiabilité et ponctualité: que vous évoquent ces mots-clés?
Peter Luginbühl: En tant qu’entreprise de transport ferroviaire de petite taille, nous sommes parfaitement à même de garantir la stabilité et la ponctualité. 95 % de nos clients ou plus sont extrêmement satisfaits de notre fiabilité. Dans le système de fret ferroviaire européen ou suisse, la situation est très différente. À ce niveau, la ponctualité est un énorme problème. Le secteur doit encore améliorer plusieurs choses dans ce domaine et devenir un partenaire plus fiable.
Peter Knaus: Je suis d’accord. Nous sommes extrêmement ponctuels, en particulier pour les transports de denrées alimentaires ou les expéditions à dates fixes. Lorsque nous travaillons avec les grandes entreprises, il devient plus difficile de respecter les délais souhaités. Pour le projet de transport WEF, par exemple, nous étions tributaires de fournisseurs de la voie normale. Si les conteneurs n’arrivent pas à temps chez nous à Landquart, nous ne pourrons pas non plus les livrer à temps à Davos. Cela pose un gros problème à nos clients, car les créneaux horaires attribués au WEF doivent impérativement être respectés.
Quelle évolution constatez-vous dans la production?
Peter Luginbühl: Actuellement, nous avons encore une production mixte, où nous travaillons principalement avec des trains de marchandises entiers. Nous nous éloignons de plus en plus de l’idée d’accrocher des wagons de marchandises aux trains de voyageurs. D’une part, les nouveaux trains automoteurs et les capacités de nos voies ferrées ne répondent plus à ces exigences. D’autre part, nous perdons des surfaces logistiques pour le transbordement. Nous nous concentrerons de plus en plus sur les trains de marchandises complets.
Peter Knaus: Sur le réseau principal, nous faisons circuler 52 trains de marchandises purs par jour. Les nouveaux trains à couplage automatique ne sont conçus que pour se déplacer eux-mêmes. La quantité de trains de marchandises nous permet à elle seule de conserver une certaine flexibilité. Pour les expéditions à date fixe, nous avons des horaires annuels fixes, tout est planifié. Nous n’avons plus de trafic mixte qu’en direction d’Arosa et de la Bernina, car dans ces deux cas, les sillons ne suffisent pas pour les trains de marchandises purs.
À propos de sillons: quels sont les problèmes que vous rencontrez à cet égard?
Peter Knaus: Pendant la journée, c’est le trafic régional de voyageurs qui donne la cadence chez nous. Nous devons nous y adapter. Il en va de même pour les trains de prestige comme le Glacier-Express et le Bernina-Express. Nos créneaux horaires les plus flexibles sont ceux qui vont de 4 h à 6 h 30. À partir de 21 heures, ce sont les travaux prédominent, et nous ne pouvons circuler que de manière très limitée. Les RhB et le canton nous soutiennent bien en matière de sillons et impliquent les différents groupes d’intérêt.
Peter Luginbühl: En ce qui concerne les sillons, je vois quatre problèmes. Premièrement, la rentabilité. Les sillons que nous souhaitons nous voir attribuer sont souvent occupés par des trains touristiques, qui ont une rentabilité plus élevée. Deuxièmement, l’autofinancement. Nous avons des investissements énormes et de gros problèmes de financement. Nous apportons une contribution importante à la sécurité d’approvisionnement de notre région. Troisièmement, la flexibilité que permet la vitesse. Nous ne pouvons pas réagir aussi rapidement aux changements de l’offre qu’une entreprise de transport peut le faire. Quatrièmement, la capacité d’innovation. Nous produisons toujours comme il y a 30 ans. Je suis curieux de voir si nous pourrons réellement nous transformer grâce à la digitalisation.
Quels sont les cas de bonnes pratiques dont vous et les autres pouvez tirer des enseignements?
Peter Luginbühl: À mes yeux, la distribution fine sur le dernier kilomètre est un modèle de réussite. Notre partenaire fait les choses de telle sorte que de plus en plus de clients viennent, justement parce qu’il est si flexible. Enfin, je considère que l’élimination des ordures ménagères est un modèle commercial passionnant du point de vue écologique et économique.
Peter Knaus: L’exemple du changement de mode de transport des boissons illustre à mon avis très bien cela. Depuis plus de 40 ans, l’entreprise Valser transporte ses boissons de Vals à Untervaz via Ilanz. Le transbordement effectué tôt le matin à Ilanz sur le quai générait d’importantes émissions sonores. C’est alors qu’est née l’idée d’effectuer le transbordement avec des caisses mobiles. En collaboration avec la société mère, Coca-Cola, et le canton, nous avons fait l’acquisition de caisses mobiles adaptées. Celles-ci se sont avérées très efficaces. Dans un avenir proche, nous les transporterons même au moyen de camions électriques avec remorque. Nous avons à cet effet obtenu, en dialogue avec le canton et la police, une autorisation spéciale pour les remorques sur le trajet Schnaus-Ilanz. Le seul point d’achoppement reste pour l’instant le remboursement de la RPLP dans le trafic combiné route-rail. Ce remboursement est encore lié à la RPLP. Dans l’avenir, celle-ci devra être couplée au transport combiné. Il faudra que le cadre légal évolue.
Quelles sont les innovations qui feront leurs preuves dans le fret ferroviaire au cours des années à venir?
Peter Knaus: Les powerpacks, c’est-à-dire les batteries montées sur les wagons de marchandises, me semblent être une solution durable. Ceux-ci peuvent être utilisés comme source d’énergie pour les conteneurs réfrigérés, mais aussi pour les travaux de construction dans les tunnels. Nous avons même équipé des wagons à parois coulissantes de powerpacks modernes. Nous avons également fait de grands progrès dans le domaine du tracking des wagons de marchandises. Désormais, nous savons où se trouvent les wagons de marchandises, à quelle vitesse ils roulent, quel est le niveau des batteries, quelles sont les températures dans les conteneurs frigorifiques, etc. Nous pouvons exploiter ces données dans un système de planification numérique. Nous avons également déjà réfléchi à un système Uber pour les marchandises en vrac. Ce serait très innovant, mais le point d’achoppement est cette fois le prix de revient et les partenaires appropriés.
Peter Luginbühl: Le fret ferroviaire existera encore dans 30 à 50 ans. Pour cela, nous devons nous éloigner des systèmes rigides que nous avons actuellement. En commençant par les superstructures des wagons, en passant par les processus logistiques rigides de transbordement des marchandises ou de gestion des wagons, jusqu’à la flexibilité des wagons. Partout, il y a un potentiel d’innovation pour répondre aux exigences futures.
À quelles conditions pourra-t-on mettre en œuvre ces innovations?
Peter Knaus: Je suis membre du comité d’experts de l’OFT pour les innovations techniques. La Confédération est très ouverte à cet égard et soutient les innovations qui apportent des avantages durables. Le canton des Grisons est également très ouvert aux innovations et les soutient autant que possible lorsqu’elles présentent un intérêt économique et écologique.
Peter Luginbühl: Dans le transport régional de voyageurs, il a fallu qu’un acteur économique privé comme Google fasse pression pour que les choses bougent. Cela nous ferait probablement du bien à nous aussi. Il serait passionnant qu’un acteur tiers du marché fasse pression.
Que pensez-vous des plateformes de données intégrées à l’échelle européenne?
Peter Knaus: Une situation de départ passionnante pour les acteurs du transport de marchandises, et pas seulement sur le rail. Le développement qui conditionne ces plateformes recèle bien des difficultés, et je ne suis pas sûr que tout le monde mettrait ses données à disposition. À l’heure actuelle, nos clients peuvent voir où se trouvent les moyens de chargement à l’aide de trackings. Cela permet par exemple à un client de transport de pétrole d’organiser plus efficacement sa planification et la nôtre. J’apprécierais notamment une plus grande continuité avec nos clients en matière de chargement du bois.
Peter Luginbühl: Il faudrait équiper les wagons de dispositifs de géolocalisation. Ce n’est qu’ensuite que nous pourrions franchir d’autres étapes en direction de l’échange de données, y compris entre les différents modes de transport. À la MGBahn, nous réfléchissons moins à ces questions, car nous sommes orientés vers le local.
Quels sont à votre avis les plus grands leviers pour faire progresser le fret ferroviaire?
Peter Luginbühl: Dans la flexibilisation du système de fret ferroviaire. Nous ne serons jamais aussi flexibles que la route. Mais nous devons pouvoir réagir plus rapidement aux besoins des clients et exploiter les atouts du rail. Le potentiel du transport par rail est énorme. La pression pour le transfert modal vers le rail s’exerce d’elle-même.
Peter Knaus: Il faut certainement faire la différence entre les voies métriques et les voies normales. Nous, les opérateurs ferroviaires sur voies métriques, avons un réseau de taille modeste. En comparaison avec les CFF, nous sommes à même de réagir très rapidement. Un changement de planification de deux semaines est rapide par rapport aux CFF – et lent par rapport à une entreprise de transport routier. Celui-ci modifie sa planification en quelques jours. Plus nous avons d’argent, plus nous pouvons investir rapidement dans des véhicules moteurs et des wagons de marchandises ou moderniser la flotte, et plus nous pourrions réagir avec flexibilité aux souhaits de nos clients.
Dans quelle mesure une concurrence accrue entre les entreprises de fret ferroviaire modifierait-elle la dynamique du marché du fret ferroviaire?
Peter Luginbühl: Plus de concurrence, plus de dynamisme. Cependant, le seuil d’entrée sur notre marché est très élevé pour les nouveaux acteurs. Pour exploiter un chemin de fer de marchandises, il faut un véhicule moteur aux règles et un matériel roulant coûteux. Or c’est une tout autre paire de manches que d’acheter un camion pour quelques centaines de milliers de francs. Des exemples comme Railcare ou La Poste montrent que la concurrence conduit à l’innovation et à une pression sur les prix.
Peter Knaus: La concurrence fait du bien et incite à se développer. Les responsables de Railcare ont un très bon concept de logistique de transport, ils combinent la route et le rail avec leur propre flotte. Les entreprises concurrentes sur le rail sont elles aussi tributaires de sillons libres. Elles ne peuvent pas simplement démarrer dès qu’elles ont terminé leur chargement. En termes de prix, les petits opérateurs de fret ferroviaire ont l’avantage de devoir prendre en compte des frais généraux moins élevés.
Que pensez-vous de la VAP et que recommanderiez-vous à notre association?
Peter Knaus: J’ai toujours eu un bon contact avec le secrétaire général, Frank Furrer. J’ai dirigé le projet de logistique de transport du Centre colis régional d’Untervaz. Je travaillais en très étroite collaboration avec la VAP, qui était un membre indépendant et très précieux du projet. Je trouve que les échanges avec Frank Furrer, Jürg Lütscher et d’autres représentants de la VAP qui apportent leur point de vue de chargeurs sont constructifs et passionnants.
Peter Luginbühl: Jusqu’à récemment, je ne savais pas que cette association existait. Ma recommandation serait que vous fassiez mieux connaître votre association auprès des entreprises de transport de marchandises. En effet, je trouve que ce que fait la VAP est génial.
Qu’est-ce qui n’a pas encore été dit?
Peter Luginbühl: Cet entretien m’a donné de précieuses impulsions, merci pour cela.
Peter Knaus: Merci de nous avoir invités à cet entretien et de nous avoir donné l’occasion de nous présenter.
À propos de Peter Knaus et de la Bündner Güterbahn Peter Knaus est responsable du trafic marchandises de la Bündner Güterbahn (secteur fret des Chemins de fer rhétiques, RhB). Il représente en outre les chemins de fer à voie étroite au sein de la commission Trafic Marchandises (CTM) de l’Union des transports publics (UTP) et fait partie du groupe d’accompagnement Trafic marchandises ferroviaire de l’Office fédéral des transports (OFT). La Bündner Güterbahn propose sous l’égide des RhB une large palette de solutions de transport pour les entreprises et les particuliers dans les Grisons. Avec son parc de wagons diversifié – comprenant entre autres des wagons porte-conteneurs, des wagons à parois coulissantes et des wagons-citernes – elle transporte des marchandises de toutes sortes. Les points de desserte s’étendent sur l’ensemble du territoire grison et comprennent d’importants centres industriels, des centres logistiques ainsi que des exploitations agricoles. La Bündner Güterbahn garantit ainsi un approvisionnement complet en marchandises de la région entière et constitue un élément indispensable de l’infrastructure logistique régionale. |
À propos de Peter Luginbühl et de la MGBahn Peter Luginbühl est directeur de l’exploitation de la MGBahn depuis 2017. Auparavant, ce contrôleur de gestion diplômé a travaillé quelques années comme responsable du développement de l’entreprise RH aux CFF. La MGBahn gère son trafic de fret avec Alpin Cargo SA, une filiale du groupe Planzer. Elle offre des services variés à l’artisanat et au commerce de la région, dont la manutention des marchandises, la logistique de stockage et les transports, tant par rail que par route. L’approvisionnement en pétrole représente un autre service important. Sur le dernier kilomètre, Alpin Cargo dessert non seulement les entreprises, mais aussi les particuliers. Ceux-ci peuvent faire appel à leurs services pour les déménagements, le stockage d’effets ménagers ainsi que les livraisons à domicile avec montage et les e‑transports. |
Tunnel de base du Saint-Gothard (#9): éviter un retransfert vers la route
Le déraillement du train de marchandises survenu le 10 août 2023 a gravement endommagé le tunnel de base du Saint-Gothard. C’est pourquoi les CFF ont l’intention de restreindre largement les capacités du transport ferroviaire de marchandises, pourtant durable, le week-end au bénéfice du trafic de loisirs à compter du changement d’horaires du 10 décembre. Cela risque de se traduire par un retransfert vers la route de jusqu’à 15 % des marchandises transportées par le train.
Les enjeux:
- La nouvelle conception des horaires supprime des sillons de fret ferroviaire
- L’objectif de transfert du trafic prescrit par la loi est remis en cause
- Il existe une solution alternative pour le transport de voyageurs
- La NLFA se trouve peu à peu détournée de sa finalité
- Le dialogue ne se fait pas d’égal à égal
- Évitons conjointement un retransfert vers la route
La nouvelle conception des horaires supprime des sillons de fret ferroviaire
Selon le communiqué de presse du 2 novembre 2023, les CFF partent du principe que le tunnel de base du Saint-Gothard ne sera à nouveau entièrement disponible pour les trains de voyageurs et de marchandises qu’en septembre 2024. Les travaux de réparation dureront probablement beaucoup plus longtemps que prévu à l’origine. Les responsables des CFF ont fait savoir qu’à compter du changement d’horaires de décembre, les Chemins de fer fédéraux feront circuler le week-end des trains de voyageurs nettement plus nombreux, et plus rapides, par le tunnel de base du Saint-Gothard. Ils retirent entre autres aux trains de marchandises le créneau horaire du vendredi matin de 7h30 à 9h00 pour l’affecter au transport de voyageurs.
L’objectif de transfert du trafic prescrit par la loi est remis en cause
La conception des sillons mise au point sans concertation a des répercussions graves sur le split modal national. Un de nos membres part du principe que 10 % à 15 % des transports de fret combiné seront retransférés vers la route et que l’approvisionnement du Tessin ne pourra plus être assuré intégralement le week-end. Le créneau horaire mentionné ne permet pas non plus de réaliser des travaux.
Cette évolution est en contradiction avec la politique suisse de transfert du trafic, selon laquelle le Conseil fédéral vise à transférer le trafic transalpin de marchandises de la route vers le rail. En 2022 déjà, l’objectif légal de 650 000 courses de camions avait été clairement raté: 880 000 camions avaient encore traversé les Alpes suisses cette année-là.
Il existe une solution alternative pour le transport de voyageurs
Pour les représentants du secteur des chargeurs, l’économie, la nouvelle conception des sillons des CFF est d’autant plus aberrante qu’il existe bel et bien une solution alternative raisonnable pour le trafic de voyageurs: d’un point de vue écologique, justement, les voyageuses et voyageurs de loisirs devraient justement utiliser la ligne de faîte et céder le tunnel de base du Saint-Gothard aux trains de marchandises. N’oublions pas qu’en raison de leur chargement très lourd, s’ils utilisent la ligne de faîte, ces derniers nécessitent beaucoup plus d’électricité que les trains de voyageurs. Pour assurer l’approvisionnement de la Suisse en marchandises, les chargeurs sont tributaires d’une infrastructure de transport fiable disponible sept jours sur sept.
La NLFA se trouve peu à peu détournée de sa finalité
Le tunnel de base du Saint-Gothard fait partie de la Nouvelle ligne ferroviaire à travers les Alpes (NLFA). Or celle-ci a été conçue pour le transport de marchandises. En effet, l’objectif poursuivi par l’Union européenne et la Suisse en mettant en place la NLFA était et est toujours d’encourager le fret ferroviaire. La réalisation du projet, qui a coûté 23 milliards de francs, a été financée à 55 % par la redevance sur le trafic des poids lourds (RTPL). En limitant les sillons cruellement nécessaires au fret, la NLFA se trouve à nouveau détournée de sa fin originelle.
Le dialogue ne se fait pas d’égal à égal
Certes, de leurs propres dires, et «… afin de répartir les sillons (…) [pendant les travaux de réparation], les CFF ont mené une réflexion approfondie avec les représentantes et représentants de la branche du trafic [de] marchandises, les entreprises de transport ferroviaire de voyageurs et le service indépendant d’attribution des sillons.» Mais la nouvelle conception des sillons a été élaborée sans le secteur du fret ni ses clients. Les échanges ultérieurs se sont eux aussi avérés très ardus. En outre, il manquait lors de la conférence de presse du 2 novembre 2023 la voix de CFF Cargo. On ne sait pas si ni comment les préoccupations du fret ferroviaire ont été prises en compte dans leur propre société. Le secteur des chargeurs se montre inquiet face à cette manière de faire cavalier seul et y voit une remise en cause de la collaboration jusqu’ici constructive avec les CFF.
Évitons conjointement un retransfert vers la route
À la VAP, nous demandons expressément que les CFF associent tous les acteurs du fret ferroviaire à la planification des sillons et s’abstiennent de toute déclaration unilatérale sur la bonne organisation du transport de marchandises par le tunnel de base du Saint-Gothard. Ces déclarations favorisent un déplacement prématuré des transports de marchandises vers la route, ce qu’il convient d’éviter à tout prix. En effet, il est en général difficile d’inverser ce phénomène. Les CFF ne doivent pas opposer le fret au transport de voyageurs et favoriser ainsi le transport routier.
Révision partielle de la LCFF: la responsabilité et l’ouverture du marché encore repoussées
La Commission des transports et des télécommunications (CTT‑N) soutient à l’unanimité le projet de stabilisation des Chemins de fer fédéraux (LCFF). Contrairement au Conseil fédéral, elle est d’avis qu’en ce qui concerne la pratique consistant à accorder des crédits de trésorerie aux CFF, il n’est pas indiqué de changer de système. La CTT‑N néglige ainsi de prendre en compte l’ensemble des recommandations de la VAP.
Les enjeux:
- Une injection de 3 milliards pour les CFF
- La révision partielle de la LCFF a été transmise au Conseil national
- La voix du secteur reste toujours ignorée
- Toujours aucune ouverture de marché en vue
-> Vers l’avenant du 08.07.2024
Une injection de 3 milliards pour les CFF
Dans son rapport du 16 décembre 2022 sur la motion 22.3008 «Soutenir l’exécution des investissements des CFF et une vision à long terme en période de Covid-19», la Confédération propose de prendre en charge les déficits des CFF dans le domaine des grandes lignes par le biais d’un apport unique de capital estimé à 1,25 milliard de francs suisses. Elle entend en outre alléger les redevances de sillons pour les grandes lignes de 1,7 milliard de francs suisses supplémentaires. Par ailleurs, elle suggère une correction des instruments de financement.
La révision partielle de la LCFF a été transmise au Conseil national
La CTT‑N a transmis à l’unanimité le projet de modification de la LCFF au Conseil national. De plus, la majorité de la commission refuse un changement de système en ce qui concerne les instruments de financement, car les crédits budgétaires, contrairement aux crédits de trésorerie, sont soumis au frein à l’endettement. Ainsi, la commission est d’avis que la situation de concurrence qui en résulte vis-à-vis d’autres dépenses fédérales n’est pas souhaitable, compte tenu de l’offre de transports publics. Le Conseil national statuera lors de la session d’hiver 2023 sur la proposition de la CTT‑N.
La voix du secteur reste toujours ignorée
Comme nous l’avions fait savoir dans notre communiqué de presse du 30 mars 2023, nous, à la VAP, refusons l’assainissement extraordinaire des grandes lignes présenté, qui prévoit quelque 3 milliards de francs et doit être financé par l’argent des contribuables. La VAP se félicite en revanche de la proposition de correction des instruments de financement, à savoir la renonciation à l’octroi de crédits de trésorerie aux CFF passant outre le frein à l’endettement de la Confédération. Dans les articles du blog intitulés «Plutôt que d’empocher une enveloppe budgétaire de 3 milliards, les CFF doivent assumer leurs responsabilités» et «Pas de stabilisation des CFF en dépit des 3 milliards de fonds fédéraux supplémentaires», nous résumons la position de notre secteur et nos arguments correspondants.
Toujours aucune ouverture de marché en vue
En adoptant le projet, le Conseil national renforcerait encore le monopole des CFF dans le trafic des grandes lignes. Du point de vue de la politique européenne, cela serait hautement problématique, car l’UE demande de la part de la Suisse une ouverture du marché des grandes lignes. Cette revendication, restée lettre morte, assombrit les négociations avec l’UE sur la prolongation de la coopération limitée dans le temps avec l’Agence ferroviaire européenne ERA pour l’instauration des homologations «One Stop Shop» et davantage d’interopérabilité entre la Suisse et l’UE. Par rapport aux membres de l’UE, la Suisse ne dispose actuellement encore d’aucun accès à part entière au marché; le réseau ferroviaire suisse ne fait actuellement pas partie intégrante du réseau européen interopérable. C’est pourquoi les associations proches du fret, à savoir l’Astag, CFS et nous, la VAP, demandons une stratégie nationale de migration sur l’ouverture du marché en harmonie avec l’UE. Si le Conseil national approuve la proposition de la CTT‑N, il repoussera encore plus cette revendication dans le temps.
Avenant 20.12.2023, actualisation de la session d’hiver:
Lors de la session d’hiver, le Conseil national a approuvé à la majorité l’octroi aux Chemins de fer fédéraux (CFF) d’une aide unique en capital de 1,15 milliard de francs pour réduire leur dette. Ce montant a en outre déjà été prévu dans le budget 2024. Le Conseil national a en revanche rejeté la proposition du Conseil fédéral de passer des crédits de trésorerie aux crédits budgétaires de la Confédération lorsque l’endettement atteint un certain niveau. L’argument avancé est qu’en cas d’application du frein à l’endettement, l’extension pourrait être retardée en cas de crédits budgétaires. En outre, la Chambre des cantons a décidé de fixer la réserve appropriée du Fonds d’infrastructure ferroviaire (FIF) à 300 millions de francs au minimum, les deux tiers au maximum du produit net de la redevance sur le trafic de poids lourds liée aux prestations (RPLP) devant être versés dans le fonds. Le Conseil national n’a ainsi pas tenu compte de toutes les recommandations de la VAP. Le projet passe maintenant au Conseil des Etats qui, espérons-le, interviendra pour corriger le tir.
Avenant du 08.07.2024
Après le débat du projet au Conseil national et au Conseil aux Etat, il reste des divergences concernant deux articles (art. 20 et art. 26b LCFF). Le Conseil des États souhaite durcir les instruments de financement de la Confédération en faveur des CFF de telle manière que l’octroi de prêts de trésorerie de la Confédération en faveur des CFF ne soit possible que dans la limite du plafond de l’endettement net fixé dans les objectifs stratégiques. Les prêts d’un montant supérieur devraient être soumis aux exigences du frein à l’endettement, comme le propose déjà le Conseil fédéral. La majorité de la CTT‑N est cependant toujours d’avis que la situation de concurrence avec d’autres dépenses de la Confédération résultant du changement de système des instruments de financement n’est pas souhaitable du point de vue de l’offre de transports publics. Par 12 voix contre 11, elle propose donc à son conseil de maintenir sa décision. L’autre divergence concerne le versement d’un apport unique en capital (art. 26b LCFF). Le Conseil des États a rejeté la proposition du CE Josef Dittli visant à réduire la contribution à 0,6 milliard de francs (par 21 voix contre 20), mais a décidé de s’en tenir au frein à l’endettement. Sur ce point également, la CTT‑N propose à son conseil de s’en tenir à la décision du Conseil national, qui prévoit un apport unique en capital de 1,15 milliard de francs en faveur des CFF (par 13 voix contre 12). La majorité de la commission souhaite ainsi consolider durablement la situation financière des CFF. Une minorité de la commission souhaite en revanche limiter l’apport unique en capital à 0,6 milliard de francs, conformément à la proposition du CE Josef Dittli. Le projet a été transmis au Conseil national à la session d’automne.